« Arrête de t'inquiéter, je vais bien... J'ai juste un peu mal. Et puis comme ça, Jean a retrouvé son cheval. Ce n'était pas son légendaire charisme qui allait le faire revenir.»

Le sourire de son ami lui en arracha un à elle aussi. Elle finit par se redresser, s'asseyant en tailleur pour cacher ses jambes sous la couverture. Les plis et nœuds du bois étaient toujours imprimés sur l'une de ses joues.

« Quoi qu'il en soit, qu'est-ce qui t'amène ? Tu n'es pas aussi matinal, d'habitude.

- Bertholdt dort n'importe comment, il a réussi à s'étaler sur mon matelas et m'a poussé. C'était soit le dégager et le réveiller, mais il aurait recommencé une heure plus tard, soit dormir par terre, soit me lever pour de bon. Je ne pensais pas que tu serais ici. »

Elle laissa échapper un petit sourire. Évidemment, les positions de sommeil de Bertholdt étaient un sujet fréquent lors de leur entraînement. Certains allaient jusqu'à prétendre qu'elles annonçaient la météo.

« Le pauvre, il s'en voudra quand il va s'en rendre compte.

- Je lui dirai que j'étais parti pisser.

- Pendant trois heures d'affilée ? Lâcha-t-elle, haussant un sourcil narquois.

- Cette baraque est un vrai labyrinthe, je serais capable de me perdre en rentrant des toilettes. Ironisa-t-il.

- Tu n'as pas tort, la moitié des portes sont condamnées. Honnêtement, cet endroit me fout les jetons parfois. C'est complètement décrépit. »

Son camarade hocha légèrement la tête et s'assit en face d'elle, retrouvant son sérieux.

« Je ne comprends pas ce qu'on fait là. On est censés être des soldats, mais on passe nos journée à jouer aux échecs, sans avoir le droit de s'entraîner d'une manière quelconque.

- C'est vrai... Il y a cachalot sous le gravier. Soupira la jeune femme, la fossette au creux de sa joue s'accentuant sous l'effet de l'inquiétude.

- Cachalot ?

- Oh, exact... C'est juste une bestiole qu'avait inventée mon grand-père, il disait que c'était gigantesque et que ça vivait dans la mer. J'oublie parfois qu'on n'a sans doute pas écouté les mêmes histoires quand on était gosses.

- Sans doute pas, non. »

Reiner sentait depuis un petit moment qu'il y avait un problème avec Liesel. Elle semblait savoir bien trop de choses sur ce qu'il y avait dehors. Pour les perruches, il n'avait pas relevé. C'était lui qui avait gaffé et oublié que ces oiseaux n'étaient que très peu présents au sein des Murs. Et puis, il y en avait tout de même un peu au Sud en période migratoire, même s'ils étaient rares. Ce n'était peut-être qu'une coïncidence. Les cachalots, en revanche... On ne risquait pas d'en trouver ici. Comment l'aïeul de la jeune femme avait-il pu entendre parler de ce genre d'animaux ? Ou même de la mer ? Il allait falloir qu'il tente de dégoter quelques réponses à ce sujet.

« Enfin, ce que je veux dire par là, c'est qu'on nous cache quelque chose de très gros. Reprit Liesel, ses doigts fins pianotant contre la table. Je n'aime pas ça, moi non plus, mais on ne peut rien faire, à part attendre que les choses se décoincent un peu.

- Futée comme tu es, je pensais que tu avais déjà une hypothèse.

- J'en ai une. Seulement... C'est assez tordu. Tu me prendrais pour une folle. Dit-elle simplement, haussant un sourcil.

- Pourquoi ? Jusque là, tu n'as pas eu l'air d'être trop à côté de la plaque.

- Il y a une première fois à tout. Répliqua-t-elle avec calme.

LunaireWhere stories live. Discover now