Lunaire

Chapitre 14

Bientôt, plusieurs paires de bottes percèrent les carreaux du Quartier Général. Les recrues qui déboulèrent dans la pièce étaient cependant bien moins nombreuses que celles qui avaient quitté le toit.

Liesel avait les tympans inondés de bruits d'os broyés et de chair déchirée, de cris étouffés par la peur et le sang. Un par un, leurs camarades étaient tombés en tentant de se secourir mutuellement. C'était peine perdue. Avec aussi peu de gaz, personne n'aurait pu venir à bout d'un seul titan. Elle lança un regard par la fenêtre qu'elle venait de briser. Combien d'entre eux avaient survécu ? Elle n'en savait rien. Marco était là, Reiner et son escouade aussi... Mais aucune trace de Mikasa.

Elle finit par soupirer et massa ses tempes dans un geste las. Une migraine, il ne manquait plus que ça... Et Jean qui hurlait sur deux survivants des groupes de ravitaillement n'allait pas l'aider. Il fallait qu'elle se calme et qu'elle se vide la tête. Mais elle n'avait pas vraiment le temps de siroter un thé en regardant dans le vide pendant de longues minutes. Le temps pressait.

« Jean. Appela-t-elle. Il faut qu'on se bouge, ou les titans vont finir par revenir... »

Un vacarme de verre brisé lui fit écho. Elle se jeta au sol par réflexe, comme la plupart de ses camarades. Une tête de titan venait de pulvériser le mur, aussi facilement que s'il s'était agi d'un tas d'allumettes. Des débris volèrent, s'ancrant aussi facilement dans les cloisons que dans la chair.

Elle osa lever la tête après quelques secondes et se releva, tremblante. Deux titans leurs faisaient face, leurs visages difformes plus tordus encore par des sourires étranges. Elle avait l'impression d'être un lapin piégé dans son clapier. Sauf qu'elle, on ne prendrait pas la peine de la tuer avant de la dévorer.

« Faut qu'on sorte d'ici ! Fit une voix.

- On ne pourra pas ! On n'a plus de gaz ... Même Mikasa a été dévorée sur le chemin ! »

Liesel ne soufflait mot. On aurait pu penser qu'elle était pétrifiée de terreur. Il n'en était rien. Les yeux ancrés dans ceux d'un des titans, elle semblait en pleine conversation. Qu'es-tu ? Voulait-elle demander. Son cerveau fourmillait de centaines de questions auxquelles elle ne pourrait jamais répondre. Qu'es-tu ? D'où viens-tu ? Qu'est-ce qui me rend dangereuse à tes yeux ? Pourquoi se fait-on massacrer ? Est-ce que tu comprends seulement ce que tu fais ?

Elle fut tirée de sa transe par un autre choc. Les titans venaient de se faire attaquer par un poing gigantesque. Et bientôt, Armin, Connie et Mikasa franchirent la fenêtre. Sains et saufs. Liesel n'avait pas vraiment compris l'enchaînement des évènements, et resta un instant plantée là avant de se reprendre. Merde, il fallait vraiment qu'elle soit plus réactive que ça, ou elle ne survivrait pas cinq minutes de plus.

« On a trouvé un titan déviant ! Il s'intéresse pas à nous, seulement aux autres titans ! Si on s'en sert correctement... On pourra s'échapper d'ici ! Expliqua Connie, ses yeux écarquillés par l'espoir lui donnant une allure presque grotesque.

- Se servir d'un titan ? » Demanda Liesel, visiblement dubitative. Ça lui semblait un peu trop beau pour être vrai, cette histoire...

« Si on prend les choses sous un angle logique, c'est notre meilleur moyen de survivre... » intervint Mikasa.

Elle avait l'air bien plus calme qu'auparavant, songea Liesel en l'observant du coin de l'œil. Tant mieux. Ils commençaient tous à péter un plomb, mieux valait que la plus forte d'entre eux ait retrouvé son sang-froid. Si ils se rendaient compte que même elle ne tenait plus que grâce à l'énergie du désespoir, ils paniqueraient à coup sûr.

Les recrues s'organisèrent donc, galvanisés par l'arrivée de ce titan miracle. L'enthousiasme de Connie y était sans doute pour beaucoup, aussi. Chacun tentait d'apporter son aide, même ceux qui n'avaient rien fait pour les autres durant ces trois année. Visiblement, la situation ouvrait les yeux de certains. Certes, tous auraient préféré qu'il n'y ait pas besoin d'en arriver là pour ça, mais tant pis. Autant prendre les avantages là où ils se trouvaient.