E.N.V.I.E. / Souvenir (2/4)

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Ou ?
— Ou, il... et cela serait fâcheux, laisse l'émotion l'embraser.

Elle ouvrit grand ses yeux et je devinai qu'elle n'y comprenait pas grand-chose.

Eh bien, eh bien ! Sache qu'un e-motio est un être-vivant pouvant capter et emmagasiner les émotions dans tout son être.

« Cette accumulation rend ces êtres instables, ils doivent dégager ce que l'émotion exprime et cela par tout ce théâtre. Mais il arrive que ses créatures n'arrivent plus à maîtriser le flux d'émotion. Un sentiment plutôt inquiétant peut alors se manifester ».

Il va devenir méchant ?
— On peut résumer les choses ainsi, en effet.

Alors que ces mots sortaient de ma bouche, je remarquais que le petit cherchait à bouger. Il levait une main, puis l'autre. On aurait dit qu'il tentait d'attraper quelque chose. Soudain, il tomba. On le voyait puiser à nouveau dans ses ressources pour lever ses deux mains.

Ou bien... baragouinais-je.

Oui, c'était presque certain maintenant.

Il va se lever, disais-je, avec un sourire sur le visage tandis que l'enfant me fixait pour déceler le fond de ces quelques mots.

Au moment où ses deux mains tentèrent de capturer le halo, l'e-motio baissa subitement les bras. Il restait là, à contempler son ciel. Plus aucune réaction n'émanait de cet être exténué.

Dans la foule, des exclamations s'accompagnaient déjà d'illustrations. Il était clair que l'affaire était pliée. On ne pouvait rien en tirer. Malgré ce dénouement, le public en avait pour son compte. Ceci en apprenait assez sur l'ambition — Une pierre lambda ne peut décemment se changer en diamant — La fille tourna ses yeux dans ma direction l'air d'espérer un changement de position de ma part.

À cet instant, une main vint toucher le bras droit du protagoniste. Ce dernier tourna de peu la tête. C'était l'e-motio de la dernière fois. Pour la créature, rien n'avait changé, elle était toujours à sa forme de naissance ; pas plus que ces congénères d'ailleurs, voltigeant dans l'espace. L'e-motio resta quelques secondes agrippé à la main du héros, le fixant droit dans les yeux. Il lâcha le bout du membre pour se placer près du visage du malheureux. Il leva sa paume droite, la passa sur le front de son aîné. Puis sur ses joues. Il leva alors les yeux vers ce ciel, accueillant de nouveaux occupants à chaque minute qui passait. Il distingua alors la fameuse lumière qui avait poussé son frère à braver le monde.

L'e-motio ramenait sa main vers lui, se dressait à son tour sur ses deux pieds, le regard plongé dans celui de son aîné. Puis, une considération pour le point lumineux.

Sous les yeux de l'assemblée, ne perdant pas une miette de la scène, le jeune e-motio grandissait à son tour à vue d'œil, atteignant une morphologie digne d'un adolescent de quinze ans.

D'un mouvement, il se retourna en direction des autres e-motios encore dans la poussière. Il ne fallut pas longtemps. Toutes les têtes recroquevillées sur elles, se découvraient, se rassemblaient, formant un tas, une foule se serrant tout en se frayant un chemin jusqu'à leur mobilisateur.

Sans mot dire, ils levèrent le protagoniste, l'un après l'autre. Le transportant de toute leur force. Ceux s'étant découvert la capacité de voler à leur tour, se mirent à l'entraîner. Tous, firent bloc pour tenir jusqu'où ils pouvaient aller.

En une fraction de seconde, ils atteignaient la hauteur des autres, perplexes face à cette approche mouvementée. L'essaim se densifia formant une barrière vivante. Les parvenus n'en démordaient point, visaient droit devant eux et collision avérée ne pouvait s'en dérober, la scène s'étalait telle une fleur, éparpillant les âmes en tous sens.

Les e-motios étaient partout, à foison, pataugeant dans l'espace. L'instant ne dura pas, et le retour vers le centre névralgique du mal, était suggéré. Au milieu, le coup avait bien été ressenti par les deux partis.

Tout était à l'arrêt. On se cherchait un appui, on se rattachait à une jambe, un autre, un talon, plus loin une gorge. Des particules électriques faisaient leur apparition, se faufilaient à travers corps, s'amplifiaient, se chevauchaient et disparaissaient. Un spectacle luisant pour les prunelles, détournant les regards du principal.

Notre premier e-motio, qui avait été protégé par son camarade, se retrouvait seul, flottant. Ces compagnons d'arme voltigeaient çà et là.

Au loin, les e-motios déconcertés, se rassemblaient et faisaient machine arrière. Il voyait tout cela d'un œil absent. L'air de chercher quelque chose de particulier, mais ne le trouvant pas. Il tourne la tête en direction de sa lumière, brillant sans interruption, insensible aux événements temporels pas plus que physique. Pauvres petites choses, devait-elle se dire. La banalité de l'existence lui apparaissait si flagrante, si irrationnel devait être ce tas si loin de lui. La question qu'elle aurait pu se poser aurait été : « pourquoi ? »

« Pourquoi » était justement l'adverbe que j'aurai voulu lancé à ce petit rien, qui s'était hasardé à rêver si grand, si loin, si je n'avais pas déjà la réponse.

Les pupilles restés un soupçon d'existence plus long, accrochés à cette question réveillèrent notre rêveur. Flottant encore, il quitta sa position horizontale, se mit à la verticale, baissa ses yeux tout en se recroquevillant telle une grenouille. Se serrant fortement jusqu'à atteindre ses cuisses.

Que fait-il ? s'empressait de questionner la jeune spectatrice.
— Ça, ma très chère enfant... C'est ce qu'on appelle le battement de cœur...

Les petits reprirent leur place d'antan. Les nouveaux venus firent à nouveau bloc pour parer à une attaque. Ils se rassemblaient en pointe dans le but de percer les défenses repositionnées.

Un coup d'œil des e-motios de première génération fut porté à cette boule juste face à eux. Le corps du primordial s'était transformé en un œuf gris et froid. Le parti dominateur s'enquit de fragiliser cette carcasse. Les coups se précipitèrent. Les ennemis se faisaient violence tout en essayant de contenir la rétorque du camp adverse, venu au secours de l'agressé.

Ce fut inutile toutefois. Le corps à même lynché, était aussi dur que la roche. Ne comprenant point ce qui se passait mais tenant à bien défendre leur territoire, les monstres reprirent la confrontation laissant le mystère entier.

Ce Que Tes Émotions Leur FontWhere stories live. Discover now