11. L'antithèse

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      La maison de la grand-mère de Lou n'était pas très grande, elle sentait le renfermé et le bois humide et était remplie de vieux meubles encore fabriqués à la main. Comme il n'y avait que deux chambres doubles et une petite chambre simple au premier étage, Lou a décrété que nous dormirions tous les deux dans le grenier aménagé par lequel nous accédions grâce un étroit escalier. Nous y avions installé deux matelas et, en à peine deux jours, nos affaires éparpillées y avaient déjà trouvé leur place. Par chance, Mamie Paul était trop âgée pour monter aussi haut et ne venait jamais dans le grenier. Nous pouvions y mettre autant de bazar que nous le voulions.

Les vacances à la montagne chez la grand-mère de Lou ont été d'un pur bonheur. Loin de la ville, de sa pollution et du monde pressé, chaque journée passée nous rendait un peu plus heureux. Nous passions des heures à jouer au monopoly, à aider à ramasser les légumes du potager, à aller se balader. Et puis il y avait aussi la rivière, ce lieu magique où nous nous sommes rendus le quatrième jour. Il fallait prendre la voiture pour s'y rendre car Lou et sa famille voulaient n'emmener dans les gouffres qui se trouvaient près des sources, dans les hauteurs. Nous avons préparé un pique-nique, pris notre maillot et de quoi nous sécher, et nous nous sommes rendus dans ce lieu de bonheur.

Julie avait fait exprès de choisir le jour le plus chaud pour que nous nous rendions à la rivière, et effectivement, elle ne s'était pas loupée. Lorsque nous avons garé la voiture, nous avons marché sur un chemin sans ombre, si bien que lorsque nous avons entendu les premiers sons des cascades, nous nous sommes mis à courir.

- On est arrivé ! a crié Lou.

- A nous la rivière !

Nous sommes sortis du chemin et nos pieds se sont retrouvés posés sur les roches. Sortant du bois, la rivière était là. Aussitôt à porté de vue, Lou a retiré son t-shirt et ses chaussures à vive allure.

- Vite Ani, je meurs de chaud !

- Vous êtes sûr que c'est une bonne idée de se baigner avant manger ? s'est inquiétée Julie. Elle va être fraîche.

- Mais oui, a-t-il répondu en sautant de rocher en rocher pour aller jusqu'à l'eau.

Je me suis déshabillé et je l'ai rejoint, moins adroit sur le granit.

- Elle est vraiment si froide que ça ? me suis-je enquis lorsque je suis arrivé à sa hauteur.

- Un peu. Mais tu verras, on s'y habitue.

Il s'est légèrement laissé glisser d'une roche pour que ses orteils touchent l'eau. J'ai vu la chochotte qu'il était frémir, mais il a tenté de le dissimuler.

- Elle est très bonne, a-t-il dégluti.

- Je vais aller vérifier ça.

- Fais donc.

Je me suis laissé glisser à mon tour, prenant garde à bien me tenir pour ne pas tomber entièrement et si vite à l'eau. Je n'ai qu'à peine eu le temps de sentir à quel point cette dernière était à une température que je n'avais jamais eu le loisir de goûter, que j'ai senti mes bras me lâcher, et la rivière prendre possession de tout mon corps. J'avais glissé dans le gouffre.

Complètement déboussolé, j'ai fini par ressortir ma tête de l'eau sombre qui m'avait accueilli. J'avais la chair de poule. En haut de son rocher, Lou riait aux éclats. Le crétin, il m'avait poussé.

- Alors, elle est bonne ? m'a-t-il lancé.

- Très drôle.

J'étais à deux doigts de finir comme Jack et son iceberg.

La Métaphore du CaméléonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant