Chapitre 11

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Salon de thé.

La petite fille touche sa nouvelle tresse avec un sourire satisfait. Louis doit sans cesse attraper sa main pour l'empêcher de renouveler l'opération.

– Arrête, tu vas tout abîmer et tu vas te mettre à pleurer.

L'enfant lève des yeux malicieux vers lui. Elle lui tire la langue, puis s'adosse contre la banquette, ses mains sagement posées le long de son corps. Tous deux sont installés dans une petite partie du salon de thé. Leurs parents sont toujours introuvables, et Louis a jugé cet endroit comme étant le plus adapté pour garder une enfant. À l'extérieur, c'est trop dangereux : sa sœur est bien trop hyperactive. Une attention détournée, et c'est l'assurance de voir sa jeune chevelure blonde passer par-dessus bord. Louis s'est lassé de la salle de jeux pour la journée ; et puis de toute façon, une enfant n'a rien à faire dans un endroit où des hommes fument des cigares et boivent du whisky en jouant au poker.

Elle est bien mieux ici, installée devant son chocolat chaud. Elle souffle d'ailleurs dessus à petites doses, comme son grand frère lui a conseillé, pour éviter de se brûler. De son côté, Louis infuse son thé avec un léger sourire. C'est bien la première journée où il se sent un peu tranquille depuis qu'ils ont embarqué à bord du Titanic.

La situation était bizarre, tout à l'heure, quand il a rejoint Taylor et sa sœur. La future fiancée d'Harry s'est crispée en voyant le fils Tomlinson, mais elle n'a rien laissé paraître. Elle est restée silencieuse et elle a mis du cœur à l'ouvrage en réalisant plusieurs coiffures dans la chevelure de la petite fille. C'est finalement la tresse qui a su gagner ses faveurs. Taylor a adressé à peine quelques mots à Louis ; grâce aux révélations d'Harry, le fils Tomlinson a pu l'observer sous un autre angle.

Et il a compris. Les sourires de circonstance, sa manière désespérée de se raccrocher à Harry comme à un espoir. Sa façon de montrer les crocs dès qu'un élément extérieur menace son équilibre déjà si instable. Celui d'une femme à qui on promet un grand avenir, mais qui ne serait rien sans un homme à ses côtés. L'aime-t-elle vraiment ou se sent-elle obligée ? Pour la première fois, Louis a ressenti de la pitié pour elle. De la tristesse. Il s'est dit qu'il n'était pas si mal loti. Une fois le voyage passé, de retour à la maison, il n'aurait plus à jouer de rôle. Eux sont condamnés à les porter toute leur vie.

Le flot de ses pensées s'interrompt quand une main frappe de petits coups contre sa table.

– Bonjour, mon ami !

Devant lui, un Jack souriant et tonitruant. Louis réalise alors qu'il ne l'a même plus vu depuis le fameux bal.

– Jack ! Installe-toi, je t'en prie.

– Tu es en charmante compagnie.

Le blondinet esquisse une révérence devant la petite fille pour la faire rire, ce qui ne manque pas. Une fois assis, il interpelle avec plus ou moins de grâce un serveur pour lui demander un thé. Louis affiche un sourire amusé en voyant l'homme rouler des yeux. L'aisance de Jack l'impressionne. Il sait qu'il dérange, mais il ne s'en formalise pas. C'est même revendiqué, puisqu'il en joue. Louis aurait aimé avoir la même assurance.

– Rose n'est pas avec toi ?

– Non, elle... Elle a eu des obligations familiales.

Louis peut jurer que ses yeux se sont obscurcis, mais sa politesse l'empêche de creuser le sujet. Et puis de toute façon, la morosité de Jack disparaît en une fraction de seconde.

– Mais on a dansé ! Un paquet de fois. Tu aurais dû voir la tête de sa famille, c'était à mourir de rire.

Le sourire de Jack est contagieux.

L'Insubmersible (LS)Where stories live. Discover now