La Métaphore du Caméléon

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       « Souriant, j'ai contemplé le visage de Louison illuminé par les rayons de la lune. J'ai écouté cet apprenti poète parler au savant que j'étais. Les vagues qui s'échouaient sur la plage à quelques mètres de nous nous berçaient doucement. Il avait l'air serein, déterminé, philosophe.

- Tu sais, quand je nous regarde, toi, moi, tous les passants dans les rues, je me demande qu'est-ce qui fait qu'on est nous. Pourquoi suis-je moi et pas toi ? Pourquoi tu es toi ? Nous pourrions être à nous seuls tellement de monde, si nous en avions la force, si nous nous décidions à résister à cette fatalité que nous semblons nous obstiner à vouloir porter sur nos épaules. Tu penses que tu es fait pour être rejeté parce que tu es toi, mais qui est réellement ce toi ? m'a-t-il dit d'une seule traite. C'est ce que j'appelle la Métaphore du Caméléon : être tout et personne en même temps.

Il a fait une pause et j'ai cru pendant un instant qu'il attendait une réponse de ma part, que je m'exprime sur ses mots. Thèse, antithèse, synthèse. Mais je ne savais quoi dire, il avait raison. Un caméléon, voilà ce qui me définissait. Une page vierge à colorier, un garçon sans rêve déterminé, un fantôme à durée de vie limitée. Mais le poète qui était assis à ma droite ne m'a pas laissé le temps de donner mon avis quant à sa métaphore, ses yeux bruns à lunettes sont venus capter les miens et il a déclaré comme si c'était la seule solution pour sauver notre vie décolorée :

- Anatole, cette métaphore, je vais la briser. Je veux te demander de m'y aider.

Ces lèvres ont laissé ses mots s'échapper, dansant sur son visage déterminé. Je les ai observé se mouvoir lentement, comme si tout n'était plus qu'une question de temps.

Toi.

Nous.

Ils.

Je.

Caméléon.

J'ai acquiescé d'un mouvement de tête. Après tout ce que nous avions vécu pour en arriver là, il était temps de peindre de mille couleurs nos corps et de laisser le caméléon s'échapper.

- D'accord, ai-je murmuré dans le vent.

J'avais foi en notre nous. »

        Je me rappelle encore des mots de Louison ce soir-là, au beau milieu de cette nuit sans nuage où nous nous étions fait cette promesse. Je crois que c'est à partir de là que tout a commencé, que nous avons réellement pris conscience qu'avec ce nous, tout pouvait arriver. Mais avant ça, il nous en avait fallu du temps, car la métaphore du caméléon avait su bien se dissimuler. Alors j'aimerais que vous me laissiez vous raconter comment deux je sont devenus un nous que plus rien ne pouvait arrêter, comme ce soir d'août où la métaphore du caméléon s'était effondrée. 

La Métaphore du CaméléonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant