Chapitre 9

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Maëlle

     Je trébuche contre les graviers et manque de tomber. Rappelez-moi, pourquoi est-ce que j'ai mis ces bottines à talons déjà ? Ah oui, pour paraître un peu plus grande. Et puis peut-être un peu aussi, je l'avoue, parce qu'elles vont terriblement bien avec ma jupe à carreaux écossais.

Je sors mon portable de la poche de ma veste pour regarder l'heure. Merde, il est bientôt 17h et je suis censée rejoindre Léonie au lycée pour le groupe de parole. Je commence à la connaître et je suis prête à parier que sous son sourire, elle est affreusement stressée. J'ai intérêt à me dépêcher pour arriver avant qu'elle ne se mette à paniquer.

Deux options s'offrent à moi : 1) courir, 2) prendre un raccourci par les petites ruelles. Pour être honnête, j'ai une légère préférence pour la première solution étant donné qu'il fait déjà noir. Mais il faut se rendre à l'évidence, je n'arriverais jamais à courir avec ces chaussures. Mon choix est finalement plutôt réduit. Après tout, je ne devrais pas avoir peur de passer par des rues peu fréquentées le soir pour la seule et unique raison que je suis une femme. C'est ridicule.

Je tourne à l'angle d'une pharmacie et emprunte une rue étroite coincée entre deux pâtés de maisons. Il n'y a aucun éclairage, si bien que je me retrouve forcée d'utiliser la lampe torche de mon téléphone.

J'avance à tâtons sur plusieurs mètres mais je m'arrête net lorsque j'entends un bruit derrière moi. Je me fige, terrorisée et fais un tour sur moi-même pour voir s'il y quelqu'un. Évidemment, je ne vois rien. Relax Maëlle, c'était sûrement un chat. En tout cas, je prie pour que ce ne soit qu'un stupide chat.

J'accélère quand même le pas, les sens aux aguets. Mais très vite, un autre bruit me force à m'arrêter. C'est le bruit d'une bouteille de verre qui s'éclate sur le sol. Cette fois, je suis certaine que je ne suis pas seule.

Je ne sais pas si vous avez déjà remarqué, mais face à la peur, c'est parfois comme si notre cerveau cessait de fonctionner. Imaginez que vous traversez la route et que vous voyez une voiture arriver dans votre direction. La voiture roule vite, trop vite et vous savez parfaitement qu'elle ne pourra pas s'arrêter à temps, ou alors d'extrême justesse. Et vous, vous êtes au milieu de la route. Une réaction logique serait de courir ou au moins d'accélérer pour gagner le trottoir avant que la voiture arrive. Mais notre premier réflexe est toujours de s'arrêter et regarder la voiture arriver, comme pour voir si elle s'arrêtera à temps.

Et bien c'est exactement de cette manière que je réagis à cet instant. Je me fige instantanément alors qu'une voix résonne dans la ruelle et rebondit sur les murs, trouvant écho dans mes oreilles.

Je voudrais m'enfuir mais mon corps refuse de m'obéir. Je retiens ma respiration lorsque je sens un souffle chaud le long de ma nuque. Je reconnais la même haleine alcoolisée que mon géniteur et je crains le pire. Un frisson d'effroi descend le long de mon épine dorsale.

— Bah alors, il est tard pour sortir toute seule à ton âge.

Je peux sentir le sourire de l'homme dans sa voix. Je pense qu'il est assez jeune, entre vingt et trente ans mais ce dont je suis vraiment sûre, c'est qu'il est complètement saoul.

Cours Maëlle, putain. Mais mes jambes ne bougent pas.

Il attrape mon poignet pour me retourner, me forçant à la regarder. Mes yeux se sont légèrement habitués à la pénombre et je peux distinguer les traits de son visage. J'avais raison, il a l'air assez jeune.

Il resserre sa poigne sur mon poignet et me pousse violemment contre le mur de briques. Je me cogne la tête et je ne peux retenir un cri de douleur.

IndignéesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant