Cordon Ombilical ( Terminée)

9

Rien de plus beau et de plus rassurant que le fait de se sentir aimé. Savoir qu'il y'a une personne qui croit en nous, qui nous aime sincèrement et qui s'inquiète pour nous, ça fait du bien. La famille ne suffit pas, on a besoin de quelqu'un, d'un compagnon, d'un conjoint, d'un complément.

Rougui a déjà subi l'opération. Et ce fut une réussite. Par contre, nous avons du mentir en disant que Rougui était partie chez sa tante. Elle a été hospitalisée pendant presque deux semaines. C'est moi qui m' occupait de Rabi. En effet, elle passait la nuit chez Salif et je me rendais à l'hôpital tous les jours pour m'occuper d'elle jusqu'au soir. Ma mère me demandait pourquoi est ce que je n'allais plus au marché et je répondais que Salif avait trouvé un travail de bonne pour moi à l'hôpital. En parlant de lui, on s'était beaucoup rapproché ces derniers temps. Il est de plus en plus adorable. Il est respectueux, pieux, compréhensif, gentil et généreux. Rougui n'a rien payé, il s'est chargé de tout. Cette dernière est sortie de l'hôpital hier, elle va très bien al hamdulillah.

Il ne se passe pas un seul jour sans que je ne pense à toutes les femmes villageoises à qui on fait subir cette dure épreuve.

Aujourd'hui c'est samedi et comme vous le savez déjà, je dois me rendre chez ma grand-mère avec Abdou Rahmane et Rougui. Elle a décidé de rentrer demain. Elle va vraiment trop me manquer. J'avais commencé à oublier tous mes soucis, tout ce qui m'empêchait d'être vraiment à l'aise.

...

- Tu vas mieux maintenant ? Me demande ma grand-mère.
- Oui. Je remercie le bon Dieu.
- Al hamdulillah. Tu vois tu as maintenant compris pourquoi est ce que je te disais que l'homme doit avant tout remercier le bon Dieu de lui avoir donné l'oubli car sans l'oubli la vie serait impossible.
- Je rectifie grand-mère, on oublie pas, on réussit à passer à autre chose. On ne peut pas oublier quelqu'un qu'on a aimé et qui était important à nos yeux.
- Il te semble que l'oubli serait une trahison n'est ce pas ?
- Oui.
- Qu'est ce que tu as dans le cœur ? Je te connais très bien. Qu'est ce que tu veux me reprocher ?
- Mon excision.
- Mais c'est tout à fait normal. Et crois moi ta mère n'a pas voulu mais on y peut rien. C'est comme ça, on y peut rien. C'est la tradition.
- C'est quel genre de tradition ça ? Avec ça, vous voulez que je me marie ? Que je fonde une famille ? Et pourtant, vous n'ignorez pas les conséquences.
- Il n'y a des conséquences que quand c'est mal fait.
- C'est toujours mal fait. Dans les conditions que vous le faites, toujours le même couteau pour combien de générations ? Dis moi grand-mère? Pour combien de générations ?
- Calme toi.
- Je n'ai pas crié. J'essaie d'être calme grand-mère. Combien de jeunes filles souffrent à cause de cette tradition ? Combien ?? Pas d'anesthésie ni rien ! Ça leur fait mal mentalement. La douleur ne s'effacera jamais même si la plaie se referme. Grand-mère, tu imagines ? Avoir mal et ne point pouvoir crier ce mal ! Souffrir et ne point pouvoir pleurer !
- N'oublie pas que nous aussi, nous avons été victimes.
- Apparemment vous êtes égoïstes. Vous savez comment ça fait mal mentalement et vous n'avez rien fait pour nous épargner ce mal.
- Nous sommes impuissantes face à la tradition. Nous n'y pouvons rien.
- Évidemment, vous n'en avez rien à faire. Vous avez souffert, nous également nous devons prendre notre part.
- Ça suffit, ça suffit Ami, grand-mère, ça va, calmez vous. Dit Rougui.
- Tu vois cette fille là ? Tu vois Rougui ne ressent pas le plaisir sexuel. Regarde moi grand-mère, je ne connais pas mon sort moi aussi. Je peux être stérile ou même mourir lors d'un accouchement.
- TU NE SAIS PAS COMBIEN J'AI SOUFFERT. MA SŒUR, LA MÈRE DE SALIF EST MORTE EN DONNANT NAISSANCE ET ÇA À CAUSE DE ÇA. ELLE A EMPORTÉ LE FRÈRE JUMEAU DE SALIF AVEC LUI. TU N'ES PAS LA SEULE VICTIME, ET MOI NON PLUS.

Je me taisais et laissais les larmes que je refoulaient couler. Je pris mon sac et partis, Rougui me suivait.
J'ai été égoïste ? Dites le et je vous coupe la langue. Je suis loin d'être égoïste, je ne pouvais pas garder cela pour moi. Je m'inquiète pour moi.