La sonnerie de son téléphone interrompit le début de fou rire qui le reprenait en pensant à cette histoire. Son frère, toujours si sérieux, compromis dans une affaire comme celle-là ? C'était ridicule !

— Allô, père ?

— Bonjour Alex ! Comment vas-tu ?

— Aussi bien que l'on puisse. J'ai lu attentivement les documents que vous m'avez fait parvenir cet après-midi. J'imagine que vous n'avez pas besoin de mon avis, mais je trouve que c'est un excellent projet. La France a besoin d'un gouvernement autrement plus solide que cette république fantoche.

— Je me réjouis que tu penses cela, nous aurons besoin de tous les soutiens possibles. Pour l'instant, seules la famille et celle de Guillaume sont au courant, mais je ferai une allocution dans une heure pour avertir nos sujets.

— Mais vous ne m'appelez pas pour cela...

Dans le combiné, Alexandre put presque entendre un léger rire de son père. Les deux hommes se ressemblaient énormément, et Henri avait toujours été plus détendu avec son benjamin qu'avec Thibault. Un des avantages de ne pas être l'héritier...

— Non, effectivement. J'ai appelé le doyen de la faculté pour lui parler avant et il m'a donné son accord : j'aimerais que tu rentres à la maison. Nous allons au-devant d'une période compliquée, et montrer un front uni ne pourra nous être que bénéfique.

— Mais... j'ai des examens dans deux semaines !

— Le doyen m'a assuré que tes professeurs mettraient en place un système de cours à distance, tu pourras sans souci les passer à Poitiers. Alex, je sais que ça ne te réjouis pas, mais nous avons vraiment besoin de toi ici... Et j'ai une petite commission à te confier, pendant ton trajet retour.

Alexandre ravala sa déception. Après les examens qu'il devrait passer d'ici une quinzaine de jours était prévue la fête traditionnelle de ses amis gallois, une nuit entière passée à danser, à boire, à s'amuser et à plonger dans les lacs. Il n'y en avait qu'une par an, et ne pas pouvoir assister à celle-ci lui coûtait énormément. Mais son père avait pris sa décision et rien ne le ferait changer d'avis. 

En plus, le jeune prince avait toujours fait passer les intérêts de sa patrie avant tout le reste, quoi que cela lui coûte, et cette attitude n'allait pas changer aujourd'hui, même pour une fête qui s'annonçait mémorable. Et s'il y avait un petit arrêt sur le trajet... Il commençait à deviner ce qu'Henri III allait lui demander et s'en réjouissait. Il n'y avait rien de plus amusant que d'arracher ses secrets à une jolie fille en prenant du bon temps.

— Tu connais bien l'héritière de la Bretagne, si je ne m'abuse ?

Alexandre sourit en repensant à quelques-unes des soirées enflammées qu'il avait passées dans le palais des ducs. L'héritière en question était une fêtarde notoire, et il avait plusieurs fois pu admirer son talent d'organisatrice. C'était chez elle que l'incident de la falaise avait eu lieu... Ils étaient tous ivres morts, et sans l'intervention des services de sécurité qui les avaient retrouvés à temps, leur stupidité aurait sans doute fait des victimes autres que leur orgueil personnel. C'était il y a quatre ans maintenant, mais il s'en rappelait encore tant ses oreilles avaient sifflé.

— Louise ? Oui, plutôt bien. Nous avons quelques contacts.

— Parfait. Alors j'aimerais que tu partes demain, un jet t'attendra à l'aéroport. Il prétextera un petit souci technique pour s'arrêter à Nantes. La duchesse Anne t'offrira forcément l'hospitalité, et j'aimerais que tu profites de cette halte pour sonder l'état d'esprit des Bretons. Je n'ai pas encore eu le temps d'en discuter avec Anne, mais un ambassadeur devrait bientôt arriver à sa cour et tu sais comme moi que ces rencontres officielles sont toujours remplies de mensonges et de faux-semblants. Tu seras sur place, essaye de savoir ce qu'elle pense vraiment de nos projets et si je peux compter sur elle, ou...

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