IV. Alexandre

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Alors qu'il avait passé toute son enfance dans le palais des princes de Vendée, à Poitiers, là où le temps était souvent agréable et clément, Alexandre de Tourmel, dernier-né du prince Henri III de Tourmel n'avait eu aucun mal à s'acclimater à la détestable météo galloise. Au contraire, il n'aimait rien tant que ces torrents de pluie qui fouettaient les fenêtres et ces hurlements incessants du vent. Il n'avait jamais aimé l'idée de voir la nature domestiquée par l'homme, et ici, sur ces landes presque désertes, elle reprenait enfin tous ses droits.

Il fit quelques pas, s'assit sur son lit, en face de la baie vitrée qui lui offrait une vue imprenable sur les éléments déchaînés. L'université dans laquelle ses parents l'avaient envoyé était l'une des meilleures qui soient en biologie, le domaine qui le passionnait depuis tout petit. Il attaquait maintenant sa quatrième année d'études, couronnée de succès bien entendu. Le prince Henri et la princesse Magdalena de Vendée avaient élevé leurs trois enfants en leur inculquant le goût de l'effort et du travail bien fait. En plus de ses activités scolaires, il participait aux cérémonies officielles lorsqu'il le pouvait et s'occupait de quelques associations, essentiellement militaires et scientifiques. Il servait aussi occasionnellement à son père de diplomate... officieux. Pas un espion ni un ambassadeur officiel, un mélange des deux.

Depuis quelques années déjà, Alexandre ressemblait de plus en plus à son grand-père, Henri II, surnommé le Beau pour une raison plus qu'évidente. Grand, comme tous les hommes de sa famille, les épaules carrées dues à son service militaire, la mâchoire bien dessinée, la tignasse sans cesse en bataille et les yeux d'un bleu captivant, le benjamin de la famille princière faisait tourner bien des têtes. 

Et il prenait plaisir à cultiver cette image de séducteur, de prince plein de gouaille et d'entrain. Une sorte d'enfant terrible de la Vendée, comme il y en avait dans toutes les grandes familles. Ses quelques frasques d'étudiant – des conquêtes pas toujours comme il fallait, des soirées bien arrosées, un plongeon au 31 décembre dans la piscine d'un citoyen qui n'avait rien demandé... - avaient judicieusement renforcé cette image.

Pour le public, Alexandre était cet éternel adolescent, un poil rebelle, anticonformiste, celui qui aurait préféré naître dans une famille normale, vivre une vie normale. Et cela le rendait proche des gens. En ne le connaissant que par des ragots, des photos de papier glacé, on s'était attaché à lui. Cette réputation qu'il avait ainsi que son charme naturel l'avaient très vite conduit à un certain succès auprès des jeunes filles, succès dont il jouait régulièrement. Mais outre son propre amusement, il lui arrivait de s'en servir pour découvrir quelques renseignements que son père lui avait demandés. Il ne trouvait rien d'immoral à cela : après tout, les deux parties y trouvaient ce qu'elles cherchaient.

Car loin des appareils des paparazzis, Alexandre de Tourmel savait quitter cette image de séducteur un peu désabusé et las de son statut pour révéler ce qu'il était vraiment : un prince dont le dévouement à sa famille était sans failles, et qui accomplissait toujours jusqu'au bout les tâches qu'on lui confiait. Pour cela, son père lui vouait une confiance absolue. Demander quelque chose à Alexandre, c'était s'assurer de l'obtenir. Mais mieux valait parfois ne pas s'attarder sur les moyens employés...

En faisant les cent pas devant la baie vitrée, le jeune prince, titré duc de Berry à sa naissance repensait à la dernière mission qu'Henri III lui avait confiée. Il y a quelques mois, des rumeurs avaient commencées à courir à la cour sur le compte de son frère Thibault, venues d'une petite aristocrate de province qui clamait à tout va qu'elle était enceinte de lui et qu'il lui avait signé une promesse de mariage. 

Alexandre s'était rapproché de la sœur de la demoiselle en question et l'avait fait avouer que le tout n'était qu'une vaste machination, organisée avec le soutien d'un médecin corrompu qui aurait accepté de falsifier les résultats du test de paternité. L'ayant enregistré à son insu, il rapporta le tout à son père qui se chargea de clore le bec à l'impudente. Elle fut renvoyée chez elle manu militari et on n'entendit plus jamais parler d'elle, au grand soulagement de Thibault.

Fors l'honneur - Sous contrat d'éditionWhere stories live. Discover now