Prologue

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12 octobre 1799, Poitiers

Je jure de conserver à l'Eglise les privilèges qui lui ont été accordés et toujours suivre Sa Sainteté le Pape. Je jure fidélité au roi de France. Je jure de protéger et de défendre, autant que je le pourrais mon principat et ses habitants. Je jure de respecter la loi, de rendre la justice avec équité et de faire respecter la paix.

La voix, claire et ferme, avait résonné longtemps sous les voûtes de la cathédrale. L'homme qui venait de prononcer ce serment sentait son poids, plus encore que celui de la couronne qu'on venait de poser sur sa tête.

L'archevêque, rutilant de pourpre et de simarre dorée, recula d'un pas et proclama d'une voix de ténor.

Relève-toi, Henri de Tourmel premier de son nom, prince de Vendée. Dieu te prête vie et force pour respecter le serment que tu viens de prononcer !

Alors il avait obéi, et lentement, s'était tourné vers la nef. Le peuple l'acclamait. Son peuple, désormais. Ceux dont il aurait la charge jusqu'à son dernier souffle. Les vivats résonnèrent longtemps, puis l'on entonna le Te Deum.

Plus tard, au cours des festivités, le tout nouveau prince se retira un instant dans la petite chapelle de l'ancien palais des comtes de Poitiers. Son palais, maintenant. Il s'agenouilla sur le prie-Dieu et enfouit sa tête dans ses mains. Passées l'euphorie de la victoire, les réunions avec les chefs de la Grande Armée et le sacre, il se sentait épuisé.

En allait-il de même pour les autres ? Depuis la victoire que l'armée catholique et royale avait remportée sur les troupes républicaines, tout s'était enchaîné. Leurs troupes étaient invincibles, les villes se rendaient les unes après les autres, et là-haut, la Convention tremblait devant le danger qui menaçait Paris. Mais les contre-révolutionnaires étaient lucides. Ils n'étaient pas assez nombreux pour reconquérir la France entière. Le petit Louis XVII était mort au Temple, et les frères du défunt souverain s'étaient empâtés dans le confort de Coblence. La France attendrait son roi encore longtemps.

Unanimement, ils avaient alors décidé de stabiliser leur conquête, en recréant quatre territoires d'Ancien régime : le duché de Bretagne, le duché de Normandie, le duché d'Aquitaine et le comté de Toulouse. A cela s'était ajouté le principat de Vendée, premier d'entre tous. Et c'était lui, Henri de Tourmel qu'on avait choisi comme prince. Aujourd'hui, cinq couronnes s'étaient posées sur cinq têtes, et cinq serments avaient retenti à Rouen, Rennes, Bordeaux, Toulouse et Poitiers.

En était-il seulement digne ? Avec l'aide de Dieu, il le deviendrait. Et serait le gardien fidèle des derniers reliquats de la monarchie, jusqu'au jour où, le roi revenu, il lui remettrait sa couronne et serait enfin délivré d'un fardeau dont il n'avait jamais voulu.

Son regard se perdit dans l'explosion colorée des nouveaux vitraux que l'on venait d'installer. Les rayons de la lune leur donnaient une teinte fantomatique. Partout, Blancs et Bleus s'affrontaient, sous le regard peiné de la Sainte Vierge qu'Henri avait choisi pour patronne du principat. Et en bas, une guirlande écarlate serpentant entre les pieds des soldats portait ces deux mots « Fors l'honneur ». Quelques semaines auparavant, Tourmel l'avait établie comme devise de la Vendée.

« Tout est perdu fors l'honneur » avait écrit François Ier à sa mère au soir du désastre de Pavie. Même dans la défaite la plus cruelle, dans la prison la plus humiliante, il restait encore l'honneur. La seule richesse du démuni et la seule vraie gloire du prince.

Fors l'honneur.

Puissent ces mots résonner encore longtemps aux oreilles de ses descendants.

Fors l'honneur - Sous contrat d'éditionWhere stories live. Discover now