30. La chute des masques (Flashback #11)

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Janvier 2021

Amy

Je m'extirpe avec difficulté du tram bondé en soupirant de soulagement. Les quinze minutes de trajet ont été aussi pénibles que d'habitude en heure de pointe. En retard pour mon rendez-vous avec Mathilde, j'accélère le pas en apercevant son manteau rouge faire des allers retours devant l'entrée du restaurant universitaire. Elle s'agite dès qu'elle me voit.

- Quinze minutes que je t'attends !

- Je suis désolée, soupiré-je en arrivant à sa hauteur. J'ai dû laisser passer trois trams avant de pouvoir monter dans celui-ci.

- Il faut vraiment que tu récupères ta voiture, se plaint-elle en m'entraînant sans attendre vers l'intérieur du bâtiment.

- Jules doit s'en occuper bientôt.

Elle grommelle quelque chose dans son écharpe, sans que je sois capable de comprendre si cela a un rapport avec mon petit-ami ou la foule qui attend déjà de pouvoir se servir à manger. Allez savoir comment, elle arrive à se faufiler avec efficacité devant un groupe distrait. Habituée à ses manœuvres, je la suis discrètement et m'empare du plateau qu'elle me tend.

- On se retrouve aux caisses ? me propose-t-elle avant de disparaître à l'autre bout du réfectoire.

Nous séparer est une stratégie que nous adoptons quand nous avons vraiment peu de temps pour manger. Les jours comme celui-ci, lorsque les températures hivernales découragent la plupart des étudiants à marcher jusqu'au centre-ville pour déjeuner, il est primordial de ne pas traîner si on veut avoir le temps de se poser un minimum. C'est pourquoi je me dépêche, même si récupérer mon plat dans cette salle pleine à craquer reste compliqué. Il y a trop de monde, il fait trop chaud. La foule, mêlée à la température, rend l'atmosphère lourde et de plus en plus désagréable à mesure que passent les minutes. L'appétit coupé, je renonce à faire de nouveau la queue pour un dessert et me rend dès que je le peux au point de rendez-vous.

Mathilde est à nouveau arrivée la première, mais elle sourit cette fois. Je suppose que l'énorme pizza qui encombre son plateau à quelque chose à voir avec sa bonne humeur retrouvée. Passer les caisses est plus rapide que ce que l'on craignait. La chance ne nous quitte pas de l'autre côté. Nous profitons qu'un couple soit en train de se lever pour s'approcher de leur table et nous l'approprier dès qu'ils commencent à s'éloigner.

Je soupire de soulagement en me débarrassant de mon manteau. Des frissons me gagnent pourtant tandis que je m'installe. Je frictionne mes bras tout en observant Mathilde commencer son repas. Le mien ne me donne pas plus envie que ça. J'avale malgré tout une première bouchée de ma salade pendant que ma meilleure amie m'annonce qu'elle nous a trouvé le séjour au ski parfait pour les vacances de février.

- Je ne savais pas qu'il était prévu qu'on parte, lui fais-je remarquer.

- Non, nous n'en avions pas parlé, reconnaît-elle, mais Cécilia m'a dit hier que le cousin de la copine de Romain peut nous louer un super chalet pour presque rien !

- Qui ? demandé-je perdue.

Elle agite sa fourchette en l'air comme si ce détail n'avait pas la moindre importance. Pire, elle continue d'essayer de me convaincre d'accrocher à son plan de dernière minute plutôt que de me répondre.

- C'est une vraie chance de pouvoir trouver un logement comme celui-là à seulement quelques semaines des vacances, m'affirme-t-elle en me montrant toute une série de photos sur son téléphone. En plus en divisant les frais, ça ne nous coûtera presque rien !

- C'est vrai que ça a l'air super, je reconnais tout en sachant pertinemment que l'argent n'est pas le problème.

Mon enthousiasme n'est pas feint, mais Mathilde déteste rester dans l'expectative. Quand elle attend une réponse, il la lui faut presque tout de suite. Je ne suis donc pas surprise lorsqu'elle me pose la question plus ouvertement.

Souviens-toi de nousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant