VAGUE

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Je prenais le métro tous les jours. Tous les jours je m'engageais dans une course contre le temps.

En suivant les rails, celui-ci laisse s'envoler une musique fine et assourdissante qui ne permet l'écoute de rien d'autre. Par ses côtés défilent des images indistinguables. Elles se précipitent en courant et personne n'a le temps de les apprécier. Dans le wagon de notre choix nous partons tous dans un voyage. Au milieu de la foule, des gens galopant pour sortir, chevauchant pour rentrer. Toujours les mêmes têtes, les mêmes expressions. Le matin, ce sentiment de début, d'encore une autre journée. Je pouvais voir que les humains, malgré leur amour pour la facilité de suivre la routine, s'en lassaient.

«Encore une matinée!» disait Albert tous les lundis. Albert ne s'appelait certainement pas Albert mais, je n'ai jamais eu l'occasion de lui demander son prénom. Un petit homme d'une soixantaine d'années. Je l'avais entendu dire à une jeune fille un jour qu'il y a trente ans il avait ouvert son propre antiquaire et depuis, il ne l'avait jamais quitté. Ce monsieur avait de fortes opinions et ne les laissait certainement pas au coin de sa tête, il avait besoin de s'exprimer. «Oh, les jeunes d'aujourd'hui ne communiquent plus! On dirait qu'ils n'ont plus de voix. La tête baissée, ils s'amusent seuls à jouer à des jeux sans aucun contenu. Si seulement l'on pouvait m'expliquer à quoi servent toutes ces applications? Moi, quand j'avais leur âge, j'avais des copains, à qui je parlais face à face, je ne me cachais pas derrière un bloc. La procrastination engloutit peu à peu la jeunesse de nos jours. A quoi bon se lever de son petit lit pour aller voir quelqu'un si le téléphone permet de le faire dans le confort de notre maison?».

C'est vrai que j'étais d'accord. Moi-même j'avais, dès mon entrée dans le métro, cette urge de me cacher derrière ce rectangle lumineux. Majoritairement par peur du regard de l'autre. Si je n'ai pas ce téléphone devant moi, que vais-je regarder? Les autres? Cela devient bizarre. La fenêtre? Qu'y-a-t'il à voir si non des murs sombres déformés par la vitesse? Plus qu'une obsession, le portable reste une protection. Une protection de la communication. On pourrait tenter de fixer son regard dans le vide mais quelques fois, le métro est tellement plein, qu'il n'y a pas de vide. Donc, épaules en avant, dos recroquevillé, on recueille notre petite tête encombrée de suite par le reste du corps.

Que regardai-je? Les réseaux sociaux. Quelle plaie! Il y en avait toujours plus, sans aucune réelle utilité. Instagram, l'image de la perfection. Poster une photo souriante pour que les autres se disent «Quelle magnifique vie elle a!». On offre aux autres une image déformée de notre propre réalité. Cela mène au négativisme. La simple action de regarder la page initiale peut nous déprimer. Perfection, et perfection, et perfection. Le plus on en voit, le plus on va penser que notre vie, comparée à celle des autres, ne vaut rien. Mieux vaut arrêter tout de suite. La photo du chien, du chat, de la maison, des vacances, du corps... Moi aussi je voulais sa vie. Je voulais pouvoir avoir un chat sans qu'à la fin de la semaine je ne sois défigurée. J'aurais aimé, moi aussi, passer des vacances dans des îles paradisiaques au bord du pacifique. Je rêvais d'un corps pareil, avec moins de kilos, plus de muscle. Mais c'était elle sur la photo, ce n'était pas moi. Elle avait l'argent, le corps, l'amour. Moi j'avais ma graisse. Point final. C'était un vrai concours d'apparences.

La perfection... Mais elle n'existe pas la perfection! L'humain a ses défauts. Chacun a ses défauts. L'on passe du temps à penser que l'autre va être meilleur. On a tous cette notion de perfection qu'il faut absolument atteindre. Le meilleur des meilleurs. Mais ce que l'on arrive point à concevoir est qu'il y aura toujours meilleur et pire que nous. Nous sommes tous au milieu de la scène. La perfection ne peut exister car chaque humain est beau à sa façon, car tout concept existant est relatif et le relatif ne peut être défini. Maïa, elle est belle, par contre, Jullien, je ne le trouve pas particulièrement plaisant. Pourtant, Jullien est bien en couple, sa petite amie le trouve fort beau. Ce concept de la beauté reste donc changeable et variant aux yeux de tous les passants.

C'est pour cela que ma quête a été inutile. Mener une existence basée sur le mensonge et sur le paraître. Mais je me réveille trop tard. Je ne veux plus paraître, je veux être. Je veux vivre. Vivre sans toujours avoir à penser à ce que je peux et ne peux pas manger pour pouvoir atteindre un poids fixé. Vivre sans avoir à m'inquiéter sur le fait que les autres ne m'aiment pas comme je suis. Vivre en m'habillant comme j'aime et non pas comme les autres exigent. Vivre en aimant qui j'aime et non pas ceux que le monde dit que je dois aimer. Vivre par et pour moi-même et non pour tous ceux qui vivent centrés sur leur image.

Mais je suis morte.


Le Début d'une EternitéWhere stories live. Discover now