Le Début d'une Eternité

ENIDE

Le Silence.

Plus aucun bruit.

N'est-ce pas magnifique?

Ici, quand je ne parle, l'on pourrait entendre même une plume tomber. Je me tais, cesse de respirer pour quelques minutes. Le bruit de mon cœur n'est audible puisqu'il ne bat plus. C'est étrange de le concevoir. Mon cœur ne bat plus. Je ne suis plus. Mon existence se limite maintenant à de vagues souvenirs. Mais il faut que je me presse, la beauté ne dure très longtemps.

Mes pensées ne cessent. Un bruit infernal produit par celles-ci se transforme en silence. Je me demande bien que sont devenus mes parents. Partis du village dans quel but? Que faire sans argent et sans nourriture dans un monde désert? C'est assez bizarre de partir comme ça, sans aucune ressource. J'aimerais vraiment savoir comment s'est comportée la vie envers eux. A Dieu, sachant de mon abandon, été cruel? A-t-il voulu les punir? Ne sont-ils peut-être pas morts? Ma tête divague vers toutes ces questions inutiles. A quoi me sert de savoir tout ça? Ils sont partis et d'ailleurs, moi aussi. De toute façon, je ne les reverrai plus jamais, ni eux ni personne.

Quand j'étais là-bas, j'ai appris à aimer la solitude, et avec elle l'absence du bruit. La beauté du vide. Quelques fois un silence assourdissant emplissait la maison de son énergie. Tout est possible quand le monde se tait. Même le vent s'arrête de chanter. L'imagination prend place et occupe l'humanité fastidieuse qui elle, l'use pour oublier son destin. C'est une infinité de possibilités. Nous pouvons tout faire dans le vide. Le paradis de l'âme, le rêve de la créativité. Tout inventer, recommencer, effacer, aimer, arrêter.

Il était très rare que j'aie droit au silence malgré moi. Dans mon village ils faisaient tous la fête. Pourquoi? Aucune idée. Je sais juste qu'ils restaient jusqu'à des heures tardives, le verre à la main, chantant des chansons traditionnelles. Quel supplice! Il était fort bien difficile de s'endormir et une fois endormie, il était difficile de le rester. Ils criaient, dansaient, sautaient. Moi je n'y allais pas, jamais. Ils disaient tous que je ne savais pas m'amuser, que je n'allais pas vivre une bonne vie avec cette attitude. Mais c'est quoi une bonne vie? C'est travailler pendant toute une journée et faire la fête toute la soirée? Qui a défini cela? Pourquoi est-ce que le repos ne peut pas être une bonne vie? Le repos, le silence, le calme. C'est beau tout ça. Ce sont les petites choses qui font la beauté de la vie. Je n'en doute pas une seconde que c'est bien de danser, de chanter, de boire jusqu'à ne plus se tenir debout, mais ce n'est pas moi. Je n'aime pas l'agitation. Mais à la fin, ce n'est pas si grave que ça. Nous sommes tous différents, il faut bien qu'il y ait le calme et l'agitation, le silence et la musique. C'est la conjugaison de tout cela qui fait toute la beauté de l'humanité.

«Ha. Ha. Ha.»