Lunaire

Chapitre 18

L'écharpe. Évidemment. Isa l'avait gardée plusieurs semaines, son odeur avait imprégné le tissu. Il se gifla mentalement, n'ayant pas vraiment envie d'expliquer à sa sœur la nature exacte de leur relation.

« Liesel... soupira-t-il en passant une main lasse sur son visage. Il faut vraiment que tu arrêtes de faire ce genre de choses. Je suis sérieux, ça fait presque peur.

- Alors, dis-moi tout. C'est qui ? s'enquit-elle, ne tenant pas compte de sa remarque.

- Une personne qui m'a aidé ces deux dernières années... On cherchait tous les deux une personne différente, alors on s'est dit qu'on pourrait s'entraider. »

Certes, il enjolivait un peu la réalité, mais sa sœur n'avait pas besoin de savoir que l'accord entre Isa et lui s'était fait la nuit, dans une ruelle sombre, avec lui à genoux sur le pavé et elle plus que menaçante. Déjà qu'il perdait pas mal de crédibilité en admettant avoir eu besoin d'aide, il n'allait pas en rajouter.

« Qui est-ce que tu cherchais ? C'est ça, les évènements compliqués dont tu parlais dans ta dernière lettre ? »

Elle ne perdait pas le nord, mine de rien. Ses méninges fonctionnaient parfaitement malgré les trois jours qu'elle venait de passer sur ce lit. Même si elle avait sérieusement mal à la tête, elle faisait tout pour éviter de cesser de penser. Dès qu'elle mettrait son cerveau au repos, elle repenserait à Marco. Son visage, d'ordinaire si réconfortant, était ce qu'elle redoutait le plus à présent. La chair arrachée de sa joue et son œil vide étaient comme imprimés dans sa rétine, le seul moyen de ne plus les voir était de se torturer les méninges jusqu'à l'épuisement.

« Et bien... Il y a près de deux ans, j'ai reçu une lettre de grand-père. » Finit par soupirer son aîné.

Elle cligna des yeux, visiblement surprise, mais ne dit rien et l'encouragea à poursuivre d'un signe de tête à peine perceptible, les prunelles empreintes d'un espoir vivace. Walter s'en voulait de briser ça, mais il fallait qu'il lui explique. Il lui devait la vérité.

« Je préfère te prévenir tout de suite... Il est mort il y a plus d'un an, avant que je puisse le retrouver. Il était sur la trace de quelque chose, d'après ce qu'il m'a dit, et ça avait l'air d'être une mission dangereuse. Il me demandait de l'aide pour trouver des documents. Je ne sais même pas ce qu'il voulait que je trouve, mais l'une des premières choses qu'il m'a demandées, c'est de ne rien te dire. »

La lueur qui brillait dans les yeux de l'adolescente fut vite étouffée. Les émotions lui venaient par vagues, et celle de l'espoir s'était retirée bien trop vite pour qu'elle ait eu le temps de comprendre ce qui lui arrivait. C'était trop de nouvelles d'un coup, et elle était déjà suffisamment fragilisée comme ça.

« Pourquoi ? À deux, on serait allés bien plus vite. » Dit-elle dans un souffle, visiblement blessée.

Elle était déçue d'avoir été mise à l'écart volontairement. Comme d'habitude, elle était éclipsée par son frère, ça ne changeait pas... Mais elle avait toujours été plus proche de leur grand-père que lui. Alors pourquoi Abel s'était-il adressé à son aîné ? Elle aurait pu, pour une fois, se montrer utile.

« Parce qu'il avait besoin d'avoir un contact dans les brigades spéciales et que tu étais complètement coincée par ton entraînement. Expliqua patiemment le jeune homme.

- Oh... »

Elle baissa les yeux, le regard rivé sur ses mains pâles. Apprendre la mort de son grand-père n'était pas vraiment un choc pour elle, elle avait fait son deuil des mois auparavant. Revenir dessus maintenant ne serait qu'un fardeau supplémentaire.