Chapitre 15: Dispute

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Son sourire est désormais un peu plus lumineux. Les mains dans ses poches, il fait quelques pas hésitants dans ma direction.

- Je me surprends souvent à me demander si notre rencontre n'était pas que le fruit du hasard, m'avoue-t-il doucement.

- Rien n'est dû au hasard, dans la vie, rigolé-je en retour.

- Qu'est-ce que tu en sais, mouton noir?

Nous sommes désormais très près l'un de l'autre. Je n'avais jamais vu son visage de si près: ses beaux yeux bleus, ses sourcils bruns, ses cheveux châtains ébouriffés, son petit sourire en coin. Il me prend tendrement les mains. Alors que les choses semblent vouloir aller plus loin...

Je suis prise d'une sensation de malaise, d'embarrassement.

Je baisse brusquement la tête et la dépose sur l'épaule d'Alex, les joues en feu. Je ne peux pas. Je sens Alex expirer longuement. Il me repousse doucement pour me regarder un peu. J'ai la gorge nouée. Je murmure d'une voix éteinte:

- Désolée, je ne...

- Ça va aller, répond-il d'une voix rauque teintée de déception.

On se regarde quelques secondes. Je lui implore sa compréhension du regard. Il me répond par un sourire triste. À ma plus grande surprise, il me caresse tendrement la joue du revers de la main. Alors qu'il s'apprête à tourner le dos et partir...

- Jenn! Tu viens?

... Fabien s'en mêle. Je le vois, un peu plus loin, sortir de la piscine et courir vers Alex et moi. Alex se rapproche un peu de moi et me reprend la main. Je le regarde avec surprise.

- Jenn, la fête n'attend plus que toi! me lance Fabien qui est à peine à trois mètres de moi. Et puis... (Il toise Alex du regard, et reprend amèrement:) C'est qui, ce mec?

- Ce mec, c'est un certain Alexandre Patterson, persifle froidement Alex.

- Ah oui... l'Étamien, répond Fabien avec un air arrogant. Enlève tes sales pattes de Jennifer, espèce de créature inférieure! Viens, Jenn, ne parle pas à ce type dérangé...

La main d'Alex serre la mienne un peu plus fort, tendu. Mon coeur bat à la chamade: j'ignore que dire, que faire. Mon ami se montre tout simplement infâme envers Alex sans aucune raison! J'ai envie de les gifler tous les deux, de les semer d'arrêter de se comporter comme des gosses.

Cependant, je n'en fais rien, car contrairement à Fabien, Alex est d'un tempérament plus calme. Il répond alors, toujours avec cette même sécheresse:

- Les Étamiens et les Alterans ont le même niveau d'intelligence et les mêmes caractéristiques. Une race ne peut survivre sans l'autre, ne l'oublions pas. Sur ce, je te laisse, Jenn... amuse-toi bien avec ton copain cinglé...

- Alors, tu fuis, comme ça, sans même te défendre adéquatement? jette narquoisement Fabien, ses bras musclés croisés. Espèce de lâche!

Alex, qui s'éloigne progressivement, se renfrogne quelques secondes, mais ne cède pas à la colère. Il poursuit sa route vers sa maison. Je ne peux empêcher d'admirer son contrôle de lui-même: ayant été un gars, je me serais emportée.

Irritée, je me retourne vers Fabien. Il est en maillot de bain, et tout trempé. Il est extrêmement musclé, mais je tente de ne pas trop m'y attarder. Je grogne, irritée:

- Je vais te tuer, Fabien...

Il éclate de rire et fait quelques pas vers moi.

- T'approche pas trop de ce gars bizarre, dit-il avec nonchalance. Cette chose est née à Alteran sans que personne ne sache comment ni pourquoi, même si en temps normal, il aurait dû vivre ses jours à Étamiert, la cité des Étamiens. Une grande ville au sommet d'une très, très haute montagne, près du ciel et du soleil. Bref, le même genre de vie que vivent les lamas. Si tu veux mon avis, les Étamiens ne valent pas mieux que ces bêtes.

- Arrête, Fabien! m'écrié-je, outrée. Tu ne le connais pas, comment peux-tu tenir des propos aussi déplacés?

- Je suis certain qu'à Étamiert aussi, ils nous insultent de la sorte.

- Et tu crois que ce qu'ils disent à notre sujet est vrai? Non. C'est la même chose pour nous. Bon sang, Fabien! Fais appelle à ton ouverture d'esprit et ta maturité, rien qu'une seconde!

Fabien, toujours les bras croisés, semble réfléchir à ce que je viens de lui dire. Moi, je suis pleine de ressentiment. J'ai refusé de me rapprocher d'Alex pour ce mec et maintenant, il se comporte comme un gamin! Gamin qui, après quelques secondes, relève ses yeux vers moi. Il fait la tête d'un enfant qui implore le pardon. Ouais, décidément, Fabien est un toujours un petit garçon, mais dans la carapace d'un très beau jeune homme.

- Pardon Jenn... J'ai parlé sans réfléchir. C'est juste que je n'ai pas aimé voir ce type près de toi...

Je hausse les sourcils. Monsieur est jaloux? Cette pensée me frustre un peu. Je déteste avoir des amis surprotecteurs. Je me force néanmoins à garder mon calme:

- C'est bon, t'es pardonné pour l'instant.

- On tourne la page, alors?

- Ouais, on tourne la page...

Il me lance un gigantesque sourire. Je tente de mettre ma culpabilité pour Alex de côté pour faire la fête à la piscine. Malheureusement, les événements qui viennent de survenir m'ont laissés un mauvais arrière-goût, et l'envie de m'amuser n'y est plus. Je ne reste qu'une trentaine de minute, assez pour dire que j'y suis allée, et je rentre au Toit. Je suis exténuée. Cette journée a été longue et éprouvante, avec les Tests, ma soeur, la prophétie, Kat, et... je me sens surchargée d'informations.

J'entre dans la chambre, prête à aller au lit. Anna dort déjà, à ma plus grande déception. J'aurais tant aimé lui parler de cette longue journée...! C'est la seule Nouvelle en qui j'ai vraiment confiance. Je m'étends sur mon lit et tente en vain à trouver le sommeil. Je ferme les yeux. Les paroles qui ont animées ma journée me tournent dans la tête:

« Jennifer Akson, dix-sept ans... » « Oh, je suis tellement contente de te voir, petite soeur! » « Vous aimez les Étamiens, Jennifer?» « Jacobs, coups à volonté sur Akson.» « Mais cette guerre peut s'éviter: c'est une jeune Alteranne Nouvelle à la force incroyable qui tentera de rallier les deux peuples pour ainsi créer un monde ni noir, ni blanc.» « Jenn, lâche tes mains!» « Méfie-toi, tout simplement.» « Qu'est-ce tu es réellement?» « Cette personne sera notre seul espoir pour un éventuel monde équilibré entre le jour et la nuit, soi un monde d'aurore.» Je me bouche les oreilles avec mon oreiller. Même si, au fond, ces voix-là ne viennent point de l'extérieur, et que je ne peux les échapper... Elles font parties de ma réalité.


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