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Il est midi et demi lorsque je sors à peine de mon lit.
Depuis que l'entreprise dans laquelle je travaillais avait mis la clé sous la porte il y a maintenant dix jours, j'étais partagé entre la motivation de retrouver un travail et l'envie de tout abandonner.
Parce que finalement, ce job de serveur avait pour seul avantage d'être à l'hôtel du bout de ma rue. Il ne me plaisait même pas. Je n'ai pas l'impression d'être quelqu'un de ce monde : je n'ai ni loisir, ni entourage aimant,ni carrière passionnante (ou au moins intéressante), comme si je demeurais spectateur de ma propre vie, en attendant seulement que les jours défilent les uns après les autres.

Pourtant, j'avais connu le bonheur. Mais la vie avait décidé de me l'arracher des mains, et j'en ressens les conséquences chaque jour.
Mais Tatiana était toujours là, et le cadre posé à l'entrée de mon appartement révélant son sourire étincelant me rappelait constamment qu'elle aurait voulu que je me batte.

Alors que je me battrai.
Je me lève afin d'aller consulter ma boîte aux lettres. Je ne reçois jamais de courrier. Mais peut-être qu'un employeur m'aurait recontacté, qui sait ?
Malheureusement, elle était vide.Exceptée une lettre. Elle ne venait pas d'un employeur, elle n'avait rien de professionnel. Une écriture manuscrite pour l'adresse, avec une marque de rouge à lèvres sur l'enveloppe. Mais ce courrier nem'était absolument pas destiné : l'adresse du voisin du dessous, parti sur les îles depuis quelques semaines y figurait. Je ne l'aimais pas tellement : il était assez snob et se considérait bien plus que ce qu'il était réellement. Sa petite trentaine d'années et son charme lui permettait de voir défiler chez lui de nombreuses femmes plus belles les unes que les autres. Je n'avais pas la moindre idée de quand il reviendrait, mais il reviendrait trop tard pour lire ce courrier.

Et je m'apprêtais à faire un truc moche. Vraiment moche. Lire le courrier de mon voisin. Je sais déjà à quoi m'attendre rien qu'en voyant le personnage : une innombrable déclaration d'amour, comme il doit en recevoir toutes les semaines.

Je commence alors ma lecture.



Le 15 juillet 2020 à Marseille.

Cher Tom,


J'espère que tu as passé une excellente fête nationale.
Tu ne réponds plus à mes innombrables lettres depuis que j'ai quitté Paris il y a un mois aujourd'hui. Je ne sais même pas si tu les as lues. Et honnêtement,je ne pense pas.

Au cas où si tu ne les avais pas lues, je suis retournée aux Calanques, où nous nous étions rencontrés. J'avais oublié la beauté de cet endroit. Je me rappelle également de chaque moment que nous avons passé ensemble depuis ce jour-ci, je t'ai aimé dans tous ces beaux moments de joie,mais tout n'a pas été tout rose.

Tu m'as fait du mal, et je ne t'en veux même pas. J'ai besoin de toi.
Mais tu ne veux plus de moi.

Ça, je ne peux pas le supporter. Tu étais la seule personne qui ne m'avait pas encore abandonné. Mais maintenant je suis seule contre le monde qui semble me condamner. J'ai voulu me battre, mais je ne peux plus. Toute ma vie j'ai été heureuse, même si tu avais tes défauts, tu m'as trompé, tu m'as brisé le cœur, mais nous faisons tous des erreurs.
Je ne veux pas connaître le malheur. Si mon bonheur s'arrête aujourd'hui, ma vie doit s'arrêter aussi.

Je ne sais toujours pas ce que tu fais. Peut être que tu n'habites plus notre « chez nous », mais cela m'étonnerait. A l'heure actuelle, tu es peut être en train de fréquenter quelqu'un d'autre, mais je te le pardonne. Je pourrai tout te pardonner et nous accorder un nouveau départ.
C'est la raison pour laquelle je te laisse une dernière chance de me prouver que je ne dois pas faire ça.
Sinon je sauterai.
Le 22 juillet 2020, ça fera cinq ans que nous sommes ensemble. Alors le 22 juillet 2020 à l'aube, je mettrai un terme à ma vie, car elle n'a aucun sens si je ne suis plus heureuse.

La lettreWhere stories live. Discover now