Chapitre 22

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      Des cris étouffés. Voilà ce que je retenais du témoignage d'un adolescent qui traînait avec des amis dans l'une des zones les plus périlleuses de la forêt de Beaupuy, durant la nuit de samedi à dimanche. La nouvelle du meurtre diffusée aux informations locales, en une des journaux de la commune et des environs m'a fait froid dans le dos.

Pour m'apaiser, j'ai songé aux caresses de Marin. Celles dont j'avais profité il y a à peine une heure, avant qu'il ne rentre chez lui et que je me rende au travail. Il était arrivé aux alentours de deux heures du matin après sa promenade nocturne quotidienne en forêt. Il le cachait, mais je devinais que depuis l'annonce de la découverte d'un corps « massacré », Marin s'incriminait pour son inaction. Ce que la police qualifiait de meurtre s'était produit aux environ de quatre heures du matin lorsque l'Archange et moi consommions notre première fois : un instant inoubliable à mes yeux.

— Non, mais tu as vu ça ! C'est horrible. Nous ne sommes plus en sécurité nulle part ! s'est inquiétée Natalia, ma collègue de bureau alors que nous prenions des cafés au distributeur de notre salle de pause. Tiens, mettons-nous ici.

Elle a viré l'oreiller sur le fauteuil et s'est installée en se saisissant du journal sur la table. J'ai pris place face à elle pour m'enfoncer dans mon siège le regard perdu en direction du ciel à travers la fenêtre.

Que de grisaille aujourd'hui.

— Tu te rends compte ? Jusque-là, Beaupuy échappait à la folie des hommes.

— Notre taux de criminalité est l'un des plus faibles de France, ai-je pris soin de préciser alors qu'Hamilton, le petit nouveau de la comptabilité, entrait dans la pièce.

Qui quitterait son cocon à Bath, en Angleterre, magnifique endroit, riche en architecture inscrit au patrimoine de l'UNESCO, pour venir s'enterrer à Beaupuy ? Son choix restait une énigme. Il voulait de la verdure, un cadre de vie tranquille. N'y avait-il rien de similaire de l'autre côté de la Mer du Nord ?

— Tout cela est effrayant, est intervenu Hamilton, grand rouquin à la bouille ronde et avenante. Moi qui prévoyais de me retrouver dans un endroit calme.

— Tu sais, il y a des fous partout. Beaupuy ne fait pas exception, ai-je révélé.

— Cette sauvagerie... cette bestialité... ce n'est plus de la folie ! Ça dépasse l'entendement, a manqué de s'étouffer Natalia en remontant son châle sur ses épaules. Le pauvre type a subi des atrocités. La police a retrouvé son corps presque dépecé. Ses yeux étaient injectés d'une matière noire, sa peau brûlée par endroits au deuxième degré. Griffures, morsures. Il ne faut pas être humain pour infliger de telles mutilations à quelqu' être vivant que ce soit. Un fou se balade dans la nature. Il est peut-être plus proche que nous l'imaginons.

— Oh god ! a grimacé Hamilton.

Le discours de Natalia m'a glacé le sang. Je l'écoutais attentivement quand une douleur a commencé à poindre à l'arrière de mon crâne. La même m'ayant réveillée durant la nuit.

La pause terminée, la souffrance s'est amplifiée à tel point que je me suis enfermée dans les toilettes du sous-sol pour souffler. Mon portable a vibré dans ma poche. Marin prenait de mes nouvelles et se demandait si je voulais lui tenir compagnie ce soir. J'ai accepté sa proposition que j'ai déclinée durant l'après-midi. Ma tête me lançait, encore. J'ai failli perdre connaissance dans mon bureau. J'ai lutté pour rester éveillée et finir mes dossiers.

Ayant posé des RTT, j'espérais terminer mon travail en temps et en heure pour ne pas angoisser de retrouver une pile énorme à mon retour, deux semaines plus tard.

— Oxane, tu n'as pas l'air dans ton assiette.

Derrière la borne d'accueil, j'étouffais. M'apercevant pâlotte et confuse, Natalia a pris le relais. Avec l'accord de mon responsable, j'ai quitté mon poste pour me rendre dans le bâtiment d'en face et consulter mon médecin traitant. Me voyant arriver en piteux état, il m'a directement prise en charge.

Bleu Magnétique (EN PAUSE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant