- Chapitre 11 I Distance

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Zoey,

S'il m'est arrivé de penser qu'Holden était distant avec moi avant l'autre soir, ce n'est finalement rien comparé à maintenant.

Il ne me regarde plus dans les yeux, il abrège les conversations, et il arrive à être encore moins à la maison alors que je n'imaginais pas que c'était possible.

Toutes les nuits je l'entends faire le mur par le toit. Je ne sais même pas où il va. Il ne revient pas avant l'aube et après il se mange des cernes de trois mètres de long au lycée.

Plusieurs fois j'ai demandé à Scarlett s'il était chez elle, mais il n'y était pas tandis que Heath et Shane, oui. Holden ne se sépare jamais de la bande, alors que fait-il toute la nuit ? Et avec qui ?

Ça fait plus d'une semaine que ça dure...

— Va appeler Holden, on passe à table dans cinq minutes, m'informe ma mère en éteignant le feu de la gazinière.

J'arrête la vaisselle que j'étais en train de faire, essuie mes mains avec un torchon, en prenant mon temps plus que nécessaire.

Je n'ai jamais autant redouté d'aller frapper à sa porte. Même ce jour-là où il était avec cette fille, j'avais plus de détermination.

Après avoir donné trois coups sur la surface en bois, j'ai l'impression qu'une éternité se passe avant qu'il ne m'ouvre.

Il me détaille, de haut en bas, avant de planter son regard dans le mien.

— Quoi ?

Sa voix est glaciale. Holden n'est jamais froid envers moi. Agacé oui, mais pas froid. Il doit remarquer que ça me fout une claque, car il reprend plus doucement :

— Qu'est-ce que tu veux Zoey ?

Les mots ne me viennent pas, ils sont relayés au second plan. Je l'observe, inquiète. Ses yeux sont rouges, on dirait qu'il a consommé autre chose que des cigarettes. Pourtant ça ne lui ressemble pas. Avec les gars ils boivent, fument des clopes, mais c'est rarement allé plus loin. J'espère que je me fais des idées et qu'il a juste les yeux éclatés parce qu'il est fatigué.

— On passe à table, dis-je finalement.

— OK.

Je n'ai pas le temps d'ajouter quoi que ce soit qu'il me ferme la porte au nez.

Je reste là un moment à me demander ce qu'il fait de l'autre côté avant de finalement redescendre d'un pas las. J'aide ma mère à finir de dresser la table, perdue dans mes pensées quand la voiture du père d'Holden se gare dans l'allée.

— Bonsoir, lance-t-il depuis l'entrée.

Il dépose son manteau et s'approche de ma mère pour l'embrasser. Je l'observe du coin de l'oeil en récupérant la carafe d'eau dans le frigo.

Mark est un bel homme, mais ne ressemble absolument pas à son fils. Je me suis toujours demandé si Holden n'était pas le portrait craché de sa maman. C'est difficile à dire, car il n'y a pas une seule photo d'elle à la maison. Même Holden n'en possède pas dans sa chambre et je n'ai jamais osé poser la question.

Cela fait huit ans que ma mère et moi avons quitté Bakersfield pour venir s'installer ici. Je me rappelle de ce jour comme si c'était hier. Holden avait neuf ans, et ne semblait absolument pas heureux à l'idée de faire notre connaissance.

Il avait un hématome sur la mâchoire, et je me souviens m'être dit qu'il semblait furieux. Par la suite je me suis rendu compte que c'était l'expression de son visage la plupart du temps. Holden a toujours eu l'air d'être en colère contre le monde entier depuis que je l'ai rencontré.

Heavy Dirty SoulsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant