Chapitre 15

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      Seule dans le salon, j'observais avec plus d'attention la décoration. Cherchant les moindres détails m'offrant des informations sur Marin, je fouinais sans en avoir l'air. Tout du moins, je le supposais jusqu'à ce qu'il se présente un saladier de chips entre les mains, un bol de cacahuètes dans l'autre.

— Tu ne trouveras rien d'intéressant sur moi dans cette pièce.

— Tu te fourvoies, Auguste Clairant, ai-je plaisanté en décroisant les bras pour l'aider à préparer la table basse à accueillir notre apéro.

Sans réfléchir, j'avais accepté son offre de passer la soirée à ses côtés pour regarder un film de Luchino Visconti réalisateur italien que j'admirais. Apparemment, Marin aussi appréciait son travail.

— Une préférence ? m'a demandé l'Archange en ouvrant un placard dans lequel il rangeait des DVD, une collection impressionnante des plus grands chefs-d'œuvre du XXe siècle remastérisés.

J'ai hésité.

— Ludwig ou le Crépuscule des dieux ?

Il a opiné, un sourire en coin.

— Madame a bon goût.

— Vas-tu me dire que Visconti et toi étiez des amis ? ai-je plaisanté en m'écroulant sur le canapé.

— Nous nous sommes croisés à deux ou trois reprises, sans prendre le temps de discuter.

J'ai failli m'étouffer avec une cacahuète. Mon air interrogatif n'a pas manqué de faire pouffer Marin qui a inséré le disque dans le lecteur DVD. Se munissant de la télécommande, il m'a rejoint et a allumé le téléviseur, un écran plat de soixante-quinze pouces environ.

Un Archange le nez dans ses bouquins ? Compréhensible. Un Archange entouré de technologie ? Assurément étrange et hors du temps.

— Tu sembles dans ton élément.

— Je traverse les siècles. Je m'adapte.

Logique pour un être pluriséculaire.

Je dévisageais Marin qui a pivoté en fronçant les sourcils l'air amusé. Je n'avais d'yeux que pour lui. Des milliers de pensées se bousculaient dans mon esprit. Et les mots... Je contenais des centaines de mots, de questions, d'interrogations plus folles les unes que les autres ! Je me retenais pour ne pas paraître malpolie. Attention ! Je ne m'adressais pas à n'importe qui, mais à un être singulier qui tranchait les méchants rôdant à Beaupuy et ses alentours.

Me figeant à cette pensée, j'ai senti mon cœur s'emballer.

— Que se passe-t-il ?

J'ai scruté la pièce en songeant que Marin vivait reclus pour plusieurs raisons. Il protégeait son suprême secret. Certainement, y avait-il d'autres motifs à sa vie d'errance.

— Tu ne vis pas ici par hasard, ai-je souligné.

J'ai conscience que des créatures vagabondent dans la forêt, la vallée, entre les montagnes, peut-être même sous l'eau.

Ces derniers jours, j'avais émis des hypothèses, spéculé pour démêler le vrai du faux. Ma sœur me hantait, mes souvenirs d'une nuit mouvementée m'obsédaient, l'énigme Marin m'obnubilait... Avec ces faits, j'avais occulté le pourquoi du comment de la présence d'un Archange à Beaupuy. Admirant un sublime coucher de soleil, je me suis remémoré des paroles de Marin.

— Protèges-tu ces terres ? Beaupuy est ton territoire n'est-ce pas ?

— Le monde est mon territoire, a-t-il répondu en activant le lecteur DVD à distance comme si de rien n'était.

Bleu Magnétique (EN PAUSE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant