Jamais deux sans toi - Tome 1

Epilogue

Lyon, 30 avril 2019.

19 ans.

- Rosalie -

- Allô Rosalie, c'est Jenny...

La voix enrouée de mon amie commence à parler et je comprends bien vite qu'elle pleure. Au départ, je ne discerne pas bien ses paroles et ne parviens pas à assimiler le problème. Mais plus elle se reprend sous mes encouragements, plus les mots deviennent clairs, limpides. Ils me prennent aux tripes, me retournent l'estomac, forment une boule dans ma gorge et me serrent le cœur. La trahison se dessine lentement dans mon esprit, elle se dévoile petit à petit et les larmes me menacent déjà à mon tour. Jenny ne sait pas qu'elle lance une bombe sur la relation que nous entretenons Raphaël, Ezra et moi. Elle ne se rend pas compte qu'elle vient de mettre le feu à tout ça et qu'elle attise l'incendie sans possibilité d'arranger les choses ensuite. Elle ne se doute pas un seul instant qu'elle vient de déclencher le point de non-retour. J'essaie de la réconforter tant bien que mal avec des mots toujours plus maladroits. Je ne sais pas comment faire parce que sa douleur, je la ressens au plus profond de moi, plus violemment encore. Elle pleure l'histoire d'une nuit, je pleure la relation de plusieurs mois qui s'effondre sous mes pieds. Jenny fini par raccrocher, la voix encore pleine de larmes. Et moi je m'assoie sur le canapé, le corps lourd et le cœur vide. Une colère sourde s'insinue dans mes veines, je ne saurais pas la différencier de la peine que je ressens, d'ailleurs. Quoiqu'il en soit, j'attrape mon téléphone et cherche le contact d'Ezra.

✉ Si tu voulais qu'on rompe, fallait le dire au lieu de faire le mort.

✉ Et surtout, revenir pour te taper Jenny sans même venir nous faire un coucou pour repartir ensuite sur les routes... je crois que tu n'as jamais rien fait d'aussi lâche.

✉ En tout cas, bien joué, tu as ce que tu voulais. C'est fini, je ne t'attendrai plus Ezra.

La réponse ne venant pas, j'en conclus que ça n'importe pas pour lui. J'éteins mon téléphone et pars le poser sur la table puis m'effondre de nouveau sur le canapé. Je me remets en question un nombre incalculable de fois en très peu de secondes. Mes pensées s'entrechoquent, créant un trou béant au creux de ma poitrine où le doute et l'insécurité reviennent se rencontrer. J'essaie de reconstituer le puzzle en remettant les pièces dans le bon ordre mais quelque chose cloche. Comment tout ça a pu m'échapper ? Puis je me rends compte que je savais tout depuis le début, j'essayais seulement de me voiler la face. Depuis le début, Raphaël et moi étions conscients que le premier à lâcher prise serait Ezra. Au moment de revenir à Lyon après les vacances de Noël, le musicien nous disait vouloir rester pour profiter de sa sœur et nous rejoindre plus tard. Au lieu de ça, il est parti quelques semaines après en tournée avec son groupe. Au début, on s'envoyait quelques messages, on gardait le contact. On faisait surtout des appels vidéo ; presque tous les jours à vrai dire. Au fil du temps, il a commencé à répondre de moins en moins, de plus en plus tardivement, puis plus du tout. J'ai attendu le plus possible, je suis restée patiente. En tentant d'être compréhensive, je me suis rongé les ongles en pensant à toutes ces femmes dont il nous cachait l'existence et qui partageaient sans doute son lit le soir, construisant les unes après les autres sa porte de sortie vers la fin de notre relation. Mais aujourd'hui, ces filles possèdent un visage. Parce qu'il n'en suffit que d'une pour qu'elles deviennent toutes réelles. Il a suffi d'un appel téléphonique, un seul, pour que toutes ces filles pèsent dans mon esprit et que l'un de mes deux hommes devienne un infidèle. Je me trouve hypocrite d'avoir si mal alors que je me partage moi-même en deux. Je fais comme lui, je suis comme lui, à la différence près que lui était au courant et en accord avec ça.