Chapitre 12

Depuis le début
                                    

— À l'aide ! À l'aide !

J'ai pensé mon salut arrivé.

— Au secours ! Aidez-moi !

Parvenant à me libérer de la ceinture, j'ai chuté de quelques centimètres sur le dos. Avec difficulté, je me suis retournée en gémissant.

« Tu vas crever. »

« Tu vas crever. »

« Tu vas crever. »

« Tu vas crever. »

« Tu vas crever. »

« Tu vas crever. »

Vainement, j'ai tenté de faire taire les voix qui s'amplifiaient au fur et à mesure de l'avancée d'une forme floue dans ma direction. Je me suis contorsionnée entre les sièges pour finir par m'extirper du véhicule dont l'une des portières s'était tout bonnement retrouvée catapultée sur la chaussée.

Je suis parvenue à retirer le manteau qui m'étouffait et j'ai rampé sur le sol pour me mettre à l'abri.

« Tu vas crever. »

« Tu vas crever. »

« Tu vas crever. »

Un cri strident à m'en glacer le sang a résonné dans la nuit. Recroquevillée sur l'asphalte, j'ai frissonné frappée par une drôle de sensation. M'obligeant à ouvrir les yeux, j'ai constaté que la forme qu'il me semblait avoir aperçue s'était éclipsée.

Durant plusieurs secondes, j'ai douté de mon état mental, encore. Tout se mélangeait dans ma tête, plus rien n'avait de sens. L'impression de me retrouver dans une autre dimension ne me quittait plus. Des visages me sont apparus, des corps en mouvement ont défilé sous mes yeux et un épais brouillard s'est installé.

Apeurée, la gorge nouée, j'ai sangloté perdu à travers d'effroyables hallucinations déformées.

— Marin... ai-je balbutié après avoir essuyé les larmes qui coulaient sur mon visage.

Quelle fichue vie, ai-je songé en essayant de me redresser.

Quand enfin, je suis parvenue à me tenir droite sur mes jambes, deux grands yeux rouges ont émergé à travers la brume. Et ma tête, oh mon Dieu ma tête... j'ai bien cru qu'elle allait exploser.

Pourquoi avais-je fui à la vision de Marin transformé en une sorte de magnifique ange ? Après tout, il aurait pu se contenter d'appeler les secours sans plonger dans le vide pour aider la ou les victimes. Il ne pouvait pas être mauvais !

Ma décision de prendre mes jambes à mon cou m'a paru tellement stupide. Pourtant, qui serait resté en pareille situation ? Peu de personnes. À présent, je regrettais ma réaction. Pétrifiée, j'ai reculé en boitillant tandis que deux énormes yeux rouges allongés me fixaient. Les voix dans ma tête se sont soudainement éteintes. Le brouillard s'est dissipé. L'effroi qu'a provoqué en moi l'apparition de « je ne sais pas quoi » m'a permis une chose : celle d'avoir le déclic et de cavaler malgré mon état.

À cet instant, j'ai compris que je tenais trop à la vie pour la perdre. J'ai trébuché sur une jante s'étant décrochée de la voiture pendant les tonneaux.

— Marin... Marin, il est tant de te manifester... Marin... Marin ? Marin ! ai-je braillé en voyant se dessiner les contours d'un être recouvert d'une cape.

Une odeur nauséabonde m'a piqué le nez, quelle horreur, me suis-je répétée en prenant la direction d'une mer agitée. J'étais guidée par le son des vagues frappant violemment contre la roche des falaises non loin d'un bord de plage.

Comme une ultime supplique, je me suis époumonée à appeler Marin. J'ai hurlé si fort que j'ai failli m'étouffer.

Ridicule ! Que croyais-je ? Que comme par magie, il apparaîtrait pour me sauver ?

Connerie !

Je croyais ma dernière heure arrivée quand une goutte s'est écrasée sur ma joue. Les deux yeux rouges se sont levés en direction du ciel.

La pluie commençait à tomber. Des éclairs aux nombres de quatre ont zébré le ciel, le tonnerre a retenti et la mer s'est définitivement réveillée. La nature s'animait. Nous faisait-elle savoir qu'elle n'appréciait pas que sa quiétude soit troublée ?

La chose qui flottait à mes trousses s'est éloignée. Trop tard. Elle s'est fait balayer par Marin qui a éclos de l'eau tel un missile lancé à pleine puissance. Il l'a tranchée en deux d'un revers d'aile. Une aile acérée.

Bouche bée, j'ai regardé l'étincelant Marin atterrir devant moi. Ses yeux dorés contrebalançaient avec le bleu ornant ses ailes et l'obscurité de la nuit.

Tremblante, j'ai tendu la main vers lui. Je voulais toucher l'irréel.

— Je...

Son expression s'est adoucie.

La pluie a cessé.

La mer s'est calmée.

Le ciel s'est éteint et l'éclat que dégageait Marin s'est affaibli.

Stupéfaite, émue et mal en point, j'ai réprimé des émotions contradictoires quand il s'est approché assez près me permettant d'effleurer du bout des doigts ses ailes qui n'étaient plus tranchantes, mais d'une douceur innommable. Une douceur qui m'a rappelé ma chute dans l'eau et ce cocon délicat dans lequel j'ai cru me retrouver enveloppée.

— Ne pleure pas, a-t-il murmuré.

Éreintée, je n'ai pas su retenir mes larmes. De son pouce, Marin a essuyé les perles d'eau sur mon visage.

— Je crois que j'ai besoin de m'asseoir, ai-je soufflé avant qu'il ne me rattrape de justesse et que je ne perde connaissance dans ses bras.


***

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