Chapitre 1 - "Elle avait juste envie de partir en courant."

60 11 10
                                    


Naomi jeta un regard à son téléphone : il indiquait presque midi, et la température avoisinait les deux ou trois degrés... cette température était encore supportable, malgré le froid qui crispait chacun de ses membres. Elle marchait depuis presque une heure déjà, et aucun signe d'un quelconque village. Mais elle ne voulait pas perdre espoir. 

Finalement, alors qu'elle s'apprêtait à faire demi-tour faute de résultat, elle entendit une sorte de vrombissement, comme le moteur d'une vieille voiture qui aurait fait son temps. Elle se retourna, pensant que ce n'était que son imagination. Quelle ne fût pas sa surprise de tomber nez à nez avec un véhicule auquel l'adjectif "délabré" était bien trop faible : un vieux pick-up vert foncé, à la peinture défraîchie, s'avançait péniblement vers elle. Un nuage de gaz gris s'échappait du pot d'échappement. Cette voiture ne semblait absolument pas en état de marche, mais pourtant, elle avançait.

Elle s'avança prudemment vers l'engin, et jeta un oeil sur le siège conducteur. L'individu qui tenait le volant était plutôt assorti à son véhicule : c'était un vieil homme à la peau tâchée et grise, ridée comme des doigts trop longtemps immergés. Son crâne, semblant avoir cicatrisé un nombre incalculable de fois, était parsemé de mèches de cheveux blanches et sales, par-ci par-là. Ses yeux enfoncés dans son crâne étaient d'un bleu tellement clair, que l'on aurait pu penser qu'il portait une paire de lentilles spéciale "zombie". Ses doigts squelettiques tremblaient sur le volant, et son index le tapotait frénétiquement. Lorsque le vieillard leva son regard mort sur la jeune femme, celle-ci fût parcourue d'un frisson. Elle n'avait ni envie de lui parler, ni envie de rester dans le froid. Alors, elle lui sourit maladroitement, tentant de garder son calme et de ne pas faire transparaître sa peur. Après tout, pourquoi avoir peur d'un vieil homme très certainement inoffensif ?

 – Euh... bonjour, monsieur... je-

 – Que faites-vous là ? La coupa le vieillard, d'une voix rauque et éteinte.

 – Eh bien, je... suis tombée en panne, et... est-ce qu'il y aurait un village dans les environs ou... quelque chose susceptible de me dépanner ? Tenta tant bien que de mal d'articuler Naomi, malgré le froid qui paralysait ses lèvres.

 – Que faites-vous là ? Réitéra l'homme, qui ne semblait pas l'avoir écoutée.

Naomi soupira, et jeta de rapides coups d'œil autour d'elle. Rien, à part ce vieux plus que louche au regard de poisson mort. Elle avait juste envie de partir en courant.

– Je suis venue voir ma tante, qui habite de l'autre côté des montagnes, mais je suis tombée en panne, pas très loin... ça vous ennuierait de... 

Sans prêter plus d'attention à son histoire, l'homme tourna brusquement la tête vers la route, et démarra en trombe, laissant la jeune femme, seule, au beau milieu de la route. 

 – Okaaay... fit Naomi, en suivant du regard la vieille voiture s'éloigner de plus en plus. 

Elle était à nouveau seule, et commençait à en avoir sérieusement assez. Il ne lui restait plus qu'à continuer. Il devait bien y avoir un quelconque endroit hospitalier ici, et il lui tardait de le découvrir.


18h13.

Naomi s'était résolue à faire marche arrière, et avait retrouvé sa voiture, à présent blanche de givre. Elle avait marché des heures, et avait tellement faim qu'elle pourrait dévorer un homme. Elle s'installa sur les sièges passagers, emmitouflée dans plusieurs manteaux, et se mit à farfouiller dans son sac à dos. Elle y laissait souvent traîner quelques gâteaux, voire même des sandwichs. Elle tomba seulement sur un vieux sachet qui devait avoir passé un séjour d'au moins un mois, mais c'était mieux que rien.

20h26.

Elle devait au moins dormir, afin d'être en forme pour aller chercher du secours le matin. Alors, elle s'allongea, et ferma les yeux. Essayant d'ignorer le froid, elle chercha, au plus profond d'elle, des pensées positives : "Allez, on est au vingt-et-unième siècle, il y a forcément quelqu'un de civilisé dans les environs", "Ma tante va bien finir par s'inquiéter, ils sont peut-être à ma recherche..." Puis, elle soupira  profondément. "Qui ça, "ils"?..."

Un choc soudain la fit brusquement sursauter. Son coeur battant la chamade, elle se redressa vivement, et poussa un cri de surprise, mais surtout de terreur : le visage du vieil homme, qu'elle avait croisé quelques heures plus tôt, était presque collé à la vitre. Paralysée par la peur, Naomi se contenta de le regarder baisser son regard vers la poignée, puis ouvrir la portière. Une vague de froid entra dans la voiture, que Naomi avait pourtant peiné à réchauffer. 

 – Je suis revenu vous chercher. Fit le vieillard, en montrant de ses doigts osseux une voiture différente que celle qu'il conduisait lors de leur première "rencontre". 

Celle-ci était en bien meilleur état, et semblait même avoir un chauffage, au vu de la température qu'affichait le thermomètre. Soulagée, mais pas tout à fait détendue, Naomi hocha doucement la tête, en balbutiant un "merci". Le village le plus proche devait être sacrément loin, pour qu'il ait prit autant de temps à faire le trajet.

BILLIEWhere stories live. Discover now