Chapitre 6

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       Trois nuits que j'observais le plafond en comptant des moutons imaginaires pour espérer trouver le sommeil. Trois nuits que je finissais par m'endormir aux alentours de quatre heures du matin pour me lever deux heures plus tard.

Au boulot, j'essayais de paraître à mon avantage, de sourire à outrance, de donner le change pour ne pas me retrouver à expliquer le pourquoi du comment d'une mine épuisée dissimulée sous une épaisse couche de fond de teint.

À midi, je rentrais enfin chez moi. En ce vendredi pluvieux, je n'avais qu'une envie, celle de m'effondrer dans mon lit pour dormir. J'ai franchi le pas de la porte, balancé mon sac et mon manteau dans le couloir et je me suis écroulée sur le lit pour dormir une bonne partie de l'après-midi. Mon sommeil a été perturbé par mon grand plongeon dans l'eau. Lorsque j'ai ouvert les yeux, il m'a semblé avoir la certitude que des ailes m'avaient enveloppée, m'empêchant de me heurter aux rochers ou à la falaise elle-même. Je me suis frotté le front en soufflant. Mon esprit confus et tordu me jouait encore des tours. Il me fallait cesser de repenser à ce que Marin avait qualifié d'appel au secours. Mais comment y parvenir quand ma conscience persistait à me rappeler mon acte ?

Le téléphone fixe a sonné, puis ce fut au tour de mon portable de vibrer. Ma mère tentait de me joindre. Je n'ai pas décroché, préférant écouter son message. Elle prenait de mes nouvelles et attendait impatiemment que je passe à la maison manger un de ces quatre.

Serrant mon oreiller entre mes doigts, j'ai roulé dans le lit en essayant d'obtenir la paix intérieure. Je trifouillais mon portable quand l'idée de taper le nom de Marin dans un moteur de recherche a fait son chemin. Je n'ai rien trouvé sur le type qui n'était référencé nulle part sur Internet. Cela ne m'étonnait pas. S'il vivait reclus en bord de mer, ce n'était pas pour s'afficher sur le Net.

Son image m'est apparue. Sa carrure athlétique, ses cheveux sombres et ses grandes prunelles mordorées m'ont obsédée pendant de longues minutes à tel point qu'en ouvrant les yeux, son reflet était toujours gravé sur ma rétine. J'ai frotté mon visage à plusieurs reprises et son spectre s'est envolé.

Quand finalement, je me suis décidée à me lever, j'ai allumé le téléviseur en me préparant un petit encas dans la cuisine. J'ai mis une chaîne publique que j'écoutais à distance. L'invité du jour, un écrivain que je ne pouvais pas voir en peinture s'expliquer sur la polémique autour de son roman dénué de toute substance intéressante à mes yeux. Du cul encore du cul toujours du cul dissimulé sous une philosophie de vie « hédoniste », non merci.

Mon encas transformé en un plateau-repas, j'ai pris place sur le canapé. Sur le point de changer de chaîne, je me suis ravisée en apercevant un visage loin de m'être inconnu.

« Mesdames et messieurs, une ovation s'il vous plaît pour notre nouvel invité Auguste Clairant. »

— J'hallucine.

J'ai fait un arrêt sur image pour être certaine de ne pas me tromper. Marin s'avérait être le fameux Auguste Clairant, qui d'après le ruban explicatif sur l'écran « flirtait avec le succès depuis quelques mois ». Une coupe de premier de la classe, les cheveux plaqués sur le côté, un polo d'une célèbre marque anglaise, un jean brut et des chaussures de créateur italien... Marin était d'une élégance sans pareille mesure. Pas étonnant que les spectateurs étaient en majorité de jeunes spectatrices.

Toute mon attention s'est concentrée sur le téléviseur. À tel point que j'en ai oublié de manger. Cultivé, le type a abordé les différents thèmes liés à son roman, un thriller psychologique, avec beaucoup de justesse. Le pervers narcissique, la dépendance, l'amour nocif, les blessures engendrées par cet amour nocif...

Bleu Magnétique (EN PAUSE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant