Chapitre 4

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         Réveillée en nage, j'ai repoussé la couette sur mes jambes pour souffler en espérant ressentir un peu d'air frais sur ma peau. Je n'ai pas perçu la sensation de fraîcheur recherchée. Allumant la lampe de chevet, j'ai vu sur un thermomètre accroché au mur que la température dans la pièce avoisinait les dix-neuf degrés. Me levant pour trouver de quoi m'essuyer, je me suis recouchée essoufflée. J'avais l'impression d'avoir couru un marathon alors qu'en fait, je n'avais que cauchemardé. Je me suis revue sauter de la falaise en espérant heurter les rochers ou disparaître au fond de l'eau. À la place, j'ai ressenti une drôle de sensation. Celle d'une bulle de douceur ballottée par un océan agité.

Des ailes ! Leur image tournait en boucle sous mes yeux.

— Arrête de délirer, Oxane.

« Tu t'es lamentablement ratée, lâche, pathétique. »

Je me suis frappé la tête avant de l'y enfoncer dans un oreiller.

— Laissez-moi... laissez-moi ! LAISSEZ-MOI ! ai-je gueulé aux voix dans ma tête.

Des voix qui depuis un mois me harcelaient sans cesse. Je voulais parvenir à les neutraliser à tout jamais. Le combat semblait perdu d'avance. Chaque jour, elles prenaient un peu plus le dessus.

La porte de la chambre s'est brusquement ouverte. Marin, torse nu, est apparu.

— Tout va bien ? s'est-il inquiété en jetant un coup d'œil en direction des fenêtres fermées.

À sa réaction, j'ai compris qu'il s'attendait à me retrouver aux prises avec quelqu'un.

— Je suis désolée, je parlais toute seule, ai-je balbutié.

Marin s'est assuré du verrouillage des fenêtres et a tiré les rideaux. Il a contourné le lit pour m'apporter la bouteille d'eau que j'avais posée sur un meuble lors de mon arrivée dans la chambre. Un endroit cosy aux couleurs douce et pastel. Avant que je ne m'y couche, le grand lit était recouvert de plusieurs oreillers que Marin avait balancés sur le parquet. La literie douillette aux tissus constitués de matières naturelles me donnait presque l'envie de ne plus quitter la pièce. Des meubles aux surfaces authentiques, une petite cheminée moderne, des tapis épais et doux : tout m'inspirait l'apaisement, ce dont, il me semble, j'avais grand besoin.

— Un cauchemar ?

J'ai acquiescé. Ce n'était pas faux, mais ce n'était pas totalement vrai. J'ai préféré garder ce secret pour moi, personne ne savait pour les voix qui me hantaient. Marin m'avait sauvée d'une mort assurée. Lui confier que j'étais peut-être folle le pousserait à revoir sa copie. Il appellerait les secours pour m'enfermer dans un hôpital psychiatrique. Hors de question.

— Avez-vous besoin de quelque chose en particulier ?

— Non, ça va aller. Vous pouvez vous recoucher. Encore, désolée de vous avoir réveillé.

Mon hôte a hésité pour finalement s'éloigner. Sur le pas de la porte, il s'est retourné. C'est à cet instant que j'ai remarqué le pantalon de pyjama noir qui lui tombait sur les hanches. Mon regard a sillonné son athlétique buste auquel je n'avais pas prêté attention à son entrée dans la pièce.

— Ma chambre est juste en face de la vôtre. Je laisse la porte entrouverte. N'hésitez pas à me solliciter en cas de besoin.

J'ai opiné troublée par l'image « idéale » qu'il me renvoyait.

— D'accord ? a-t-il demandé afin d'être sûr que je le comprenais.

— Oui, ai-je répondu en m'enfonçant dans le lit.

Marin s'en est allé.

J'ai éteint la lampe de chevet. Comment retrouver l'envie de dormir après une telle soirée ? La seule raison m'ayant permis de sommeiller était le poids de la fatigue. Cette fatigue étant à présent plus légère, je ne parvenais plus à fermer les yeux, trop concentrée à décrypter mon geste et le message qui en découlait.

Marin a passé la tête en travers de la porte.

— Vous savez que pour vous endormir plus facilement il faut vous allonger ? Assise en plein milieu du lit, je ne suis pas certain que Morphée vous ouvre ses bras.

— Encore une belle référence à votre passion pour la littérature... Morphée la divinité des rêves prophétiques. Bizarrement, je l'imagine extrêmement ennuyant.

Quelle idiote ! Débattre des dieux antiques à trois heures du matin était assez « con ». Sans doute était-ce pour ce côté « hors norme » que ma vie se trouvait teintée de solitude. J'étais une rêveuse souvent incomprise. Je n'ai jamais eu le bon mot au bon moment.

— Vraiment ? s'est étonné Marin.

Oui, oui. À trois heures du matin, je l'entraînais sur les chemins de la mythologie.

— Je peux vous assurer qu'il a d'autres talents que d'endormir les gens, a-t-il repris.

J'ai gloussé.

— Vous le connaissez ? ai-je plaisanté.

— On peut dire cela.

Un rat de bibliothèque.

J'ai rallumé la lampe de chevet et surpris l'air amusé de Marin qui a rapidement retrouvé son sérieux.

— Vous avez le nez plongé dans vos bouquins.

— Je ne suis pas le seul, a-t-il lancé en montrant d'un signe de tête, les romans sortis de sa bibliothèque et placés sur le second oreiller dans le lit. Bonne nuit, Oxane.

Marin s'est éclipsé. Je me suis surprise à oublier l'espace de quelques minutes la situation dans laquelle je me trouvais. En effet, il n'était pas courant pour moi de loger chez un homme, un étranger... encore moins dans son lit. Marin pouvait être un ancien détenu, un criminel, un voleur, un tueur en série, un fugitif. Tout un tas d'idées glauques m'est venu à l'esprit. J'ai commencé à me monter le bourrichon. Les hypothèses et autres pensées farfelues, voire effrayantes, m'ont submergée avant que je ne retrouve mon calme. Si Marin avait dû me faire du mal, ne serais-je pas déjà morte et enterrée ? Pourquoi aurait-il pris le parti de me sauver pour me tuer ensuite ? Par goût du risque ? Par sadisme ? Non, peu logique.

Il semblait que mon hôte était vraiment ce qu'il prétendait être. Un homme sympathique, présent au bon endroit au bon moment. Et puis, il ne m'avait pas retiré mon portable ni mes autres affaires. Mon sac était à portée de main sur un siège de la chambre et mon téléphone dans le lit à côté de mon oreiller. Emmanuelle était prévenue de la situation ou tout du moins d'un ensemble de faits. Je ne considérais pas comme nécessaire de lui avouer que je ne connaissais pas l'individu chez lequel je pionçais. Je trouvais aussi totalement inutile de lui avouer que j'avais lâché prise en espérant rejoindre ma sœur.

J'étais vivante, rien d'autre ne comptait.       


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Alors, quelle première impression vous fait Marin ?

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