Chapitre 2

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Maxime suit, ce dix-neuf décembre froid et pluvieux, au cimetière du Père Lachaise, le corbillard noir de son père avec une dizaine de personnes. Mathilde est venue le soutenir, mais Caroline, bientôt à terme, a préféré ne pas faire le voyage. Elle viendra après la naissance de son enfant.

Après l'inhumation, Maxime, le cœur empli de chagrin et désœuvré, déambule entre les tombes à la recherche de célébrités. Au détour d'une allée, il croise une femme aux cheveux courts, une frange devant les yeux, un énorme pot de chrysanthèmes mauves dans les bras. Un doux parfum de violette persiste après son passage. Il hésite. Le pot semble vraiment lourd. Il rebrousse chemin et la rejoint. Il lui prend les fleurs des mains et lui demande où ils doivent se rendre.

***

Au retour du cimetière, Mathilde est toute chagrin. Elle réalise qu'elle a perdu beaucoup d'amour en quelques jours. L'amitié de Charles lui laissera de magnifiques souvenirs. L'amour de Maxime sera difficile à remplacer. Restera peut-être une étrange amitié. Elle attrape un mouchoir qui boit ses larmes comme un buvard absorbait l'encre noire des écoliers du siècle précédent. Elle se remémore les histoires de Charles, ancien instituteur : les plumes Sergent Major, les pots d'encre à remplir chaque matin. Il en fallait des ressources aux élèves pour ne pas tâcher leur page et former les lettres avec soin.

Mathilde, trop jeune, n'a pas connu cette époque. Le stylo bille avait contribué à la réussite de ses études de biochimie. Et puis, elle avait abandonné cette voie où il est presque impossible de trouver un emploi en France. Elle n'avait pas envie de s'expatrier, alors elle avait opté pour l'aventure avec sa sœur. Avec l'aide financière de leurs parents, depuis deux années, leur salon de thé leurs procurait, certes beaucoup de travail, mais aussi de nombreuses de satisfactions. Elle y avait d'ailleurs rencontré Maxime.

***

Entre enfer et paradis, le cimetière offre à Maxime ce jour-là deux moments de vie. La mort et le mystère. Il marche près de cette femme, sans rien connaître d'elle, sans mot dire, n'osant briser le silence des âmes enfouies. Du bout du pied, il pousse des cailloux dans les allées comme un enfant. Des flèches guident les usagers, les promeneurs ou touristes en quête de leurs idoles.

A la dérobée, il observe son visage. Son nez est fin, ses lèvres pulpeuses et rouges doivent être douces à embrasser. Il est surpris par de telles pensées et rougit. Le jour de l'enterrement de son père, croiser une femme et y voir une fée, quelle étonnante surprise !

***

Isabelle est entrée dans le cimetière en pensant à Lucie, Philippe et Karen. Quand cet homme lui propose de l'aider, elle est d'abord soulagée car le poids du pot de fleurs commençait à peser sur ses frêles épaules, puis est intriguée par sa démarche. Timidement, il demande où elle se rend. Elle lui indique le numéro de l'allée, il regarde sur un plan et ils marchent maintenant côte à côte. Elle le trouve grand avec des cheveux noirs bien coupés. Mathéo les porte mi-longs, retenus le plus souvent par un élastique. Que fait cet homme en ce lieu ? Est-il venu voir un proche ou une célébrité ? Aide-il souvent les femmes, pour les aborder ou par altruisme ?

Le calme du cimetière contraste avec l'effervescence de la capitale. Le soleil a fait fondre la fine couche de neige tombée dans la nuit. Isabelle et Maxime, coude à coude, dans une allée plus étroite, avancent chacun dans sa solitude, jusqu'à ce que la jeune femme s'arrête devant une tombe de marbre blanc.

Des fleurs de pierre encadrent une statuette de ballerine. Les lettres d'or égrainent le prénom de Lucie encadrées par deux lunes. Isabelle commence par nettoyer la tombe de son amie. Maxime dépose le pot de fleurs et demande :

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