Chapitre 7 : A l'aventure

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Le bruit causé par la lourde grille métallique retombant sur son chambranle résonne en nous tous, jusque dans nos entrailles. On est parti, il faut avancer maintenant. Seule la lumière découpée par la grille nous éclaire sur quelques mètres, après cela, l'obscurité. Les Elfes nous indiquent de prendre les outils qu'ils nous ont procuré avant la mission et d'une simple torsion, le manche devient un tube éclairant un peu du même type que ceux installés dans la mine.
« Cette magie fonctionne grâce au Soleil, comme nous en aurons peu durant notre périple souterrain, nous n'allumerons pas plus de trois torches en même temps : une à l'avant, une au milieu et une à l'arrière. » Nous expliqua Séraphe à voix basse. « Paul passera en premier pour nous guider, puis nous le suivrons en une seule file, les uns à la suite des autres, je m'occupe de l'arrière-garde, car grâce à mon ouïe, je pourrais entendre si un danger vient et vous en avertir au plus tôt. Avis à ceux qui éclairent, éclairez là où on marche afin de ne pas se prendre les pieds dans un nid-de-poule car nous en aurons besoin lors de ce périple. Allez, tout le monde en position ! »
Pour ce dernier ordre, il avait haussé le ton, ce qui nous a tous surpris. Il y a un temps mort de confusion avant que tout le monde ne s'exécute. Puis nous prenons chacun place en rang serré. Les lumières excédentaires s'éteignent puis nous entamons la marche. Au fur et à mesure que nous nous éloignons, de la Cathédrale, le bruissement provoqué par l'assemblé de nain diminue dans le lointain. Bientôt, seuls les bruits de nos pas résonnent dans la galerie. Ce calme nous intime au silence et si nous avons besoin de dire quelque chose, nous chuchotons naturellement.
Nous sommes guidés par le halo de lumière de la torche de Paul qui nous montre le chemin. Celui-ci avance, sûr de lui, au milieu de la nuit. Nous nous enfonçons de plus en plus profondément dans les entrailles de la montagne. Il y fait frais, humide et les plafonds sont à hauteur naine. Autant dire que la marche n'est pas des plus agréables, entre les gouttes qui nous tombent dans le cou et le dos plié en deux pour ne pas se cogner contre les irrégularités du plafond. Peu à peu, je perds toute notion de distance et de temps, impossible de savoir si une semaine ou une heure se sont écoulées. Tous les couloirs se ressemblent, toutes les ombres sont les mêmes. L'atmosphère est anxiogène et tout le monde est tendu.
Le moindre raclement contre une paroi, la moindre goutte d'eau qui coule, le moindre éternuement est prétexte au sursaut et à se cogner. Marcher ainsi nous épuise énormément, mentalement comme physiquement. Ce n'est pas ainsi que chacun avait imaginé l'épopée glorieuse qui devait nous conduire à être des héros. Après une éternité, du moins d'après mes muscles endoloris, passée sous Terre, Séraphe appelle à une pause. Nous nous asseyons sur nos manteaux, en cercle. Les dos craquent et on s'étire.
« Ça fait du bien de s'arrêter et de se poser. » Se plaint Fred qui de sa haute stature devait avoir encore plus mal que moi.
Nous faisons tremper de la nourriture déshydratée dans une casserole que l'on remplie d'eau de source. La procédure a quelque chose de merveilleux et je reste ébahi devant. Comment d'un petit bout de truc fripé, on peut recomposer tout un légume ou un morceau de viande ?
« Et encore, ce n'est rien par rapport à ce que tu pourrais observer si tu venais dans la Forêt... » Se moque Gabrielle.
« Encore faudrait-il pouvoir y aller dans votre Forêt, viens voir plutôt les miracles des artisans Nains, nos portes sont toujours ouvertes et accueillantes. » Réplique gentiment Thiphaine.
« Je ne doute pas que de la possibilité qu'auront les héros d'une si noble quête de visiter notre Forêt, surtout après avoir résisté au Charme pendant de longues semaines à nos côtés. Quant à la manufacture naine, je suis sûre qu'elle est aussi miraculeuse que notre magie, ayant eu la chance d'avoir accès à des bijoux travaillés par les meilleurs joailliers nains.
- A la bonne heure ! »
Voilà maintenant qu'on nous fait miroiter des récompenses insoupçonnées à cette quête : pouvoir visiter la Forêt des Elfes et observer les techniques d'orfèvreries des Nains, deux grands secrets jalousement gardés. Et nous jeunes humains, qu'avons nous à proposer ? C'est Colline qui prend la parole :
« Eh bien dans ce cas, pourquoi ne pas vous proposer de goûter à la meilleure nourriture et le meilleur vin de chez nous ! Vous verrez les miracles gastronomiques que l'on peut effectuer ! »
Heureusement que l'esprit vif de mon amie permet une répartie sans faille. Comme ça nous sommes quittes en terme d'invitation et de merveilles. Car s'il est vrai que les Nains ont un bière de qualité et que les Elfes ont des sucreries raffinées, il n'existe rien de commun entre leur nourriture et simplement un bon pain aux céréales accompagné d'un verre de rouge, l'alliance parfaite entre les saveurs minérales de la boisson et la douce chaleur d'une mie travaillée au levain.
Mais le repos est de courte durée et bientôt Séraphe met fin à la pause avant que nous reprenions la même marche éreintante, dans les mêmes couloirs obscurs, avec la même humidité. Chaque pas devient une souffrance et plus qu'aucun autre danger, c'est l'ennui et le découragement qui nous gagne. La seule bonne nouvelle c'est qu'en passant par là, on fait en une journée ce qui nous prendrait trois jours par la route des marchands itinérants. Avec leurs caravanes ils ne passeraient pas, mais un petit groupe comme le notre peut plus aisément se faufiler.
De plus ça confère à notre entreprise une discrétion supplémentaire. En effet, nous projetons de sceller à nouveau le rejeton du Soleil, mais certaines créatures du dehors sont adoratrices de son céleste progéniteur. Alors si elles avaient vent de notre mission peut-être tenteraient-elles de nous arrêter. Sans compter sur les Rapaces, ces êtres vaguement humanoïdes dont nous parlent les marchands qui espèrent survivre en détroussant les autres. De tous c'est eux que nous craignons le plus, car s'ils s'attaquaient à nous sans raison, la missions serait compromise.
Une fois de plus c'est grâce aux Elfes que nous pouvons espérer échapper à ces dangers. Chaque être vivant rayonne sa propre énergie vitale, une sorte de magie, qu'ils peuvent détecter à plusieurs kilomètres de distance. Ce faisant, nous pouvons faire des détours pour éviter les troubles. Mais encore une fois nous ne serons à la merci de ces problèmes uniquement si nous ne craquons pas dans ces mines avant.
Le groupe peine de plus en plus à avancer, on le sent par le relâchement qui accompagne les mouvements et la distance qui se creuse entre les différentes personnes. Je ne suis pas le seul à m'en rendre compte car une mélodie s'élève dans l'air. Avec les parois si proches j'ai du mal à identifier d'où vient ce son, puis une intuition me guide. En effet, c'est Gabrielle, juste derrière moi, qui chantonne. Malgré qu'elle soit pliée en deux, ses harmonies sont claires et magnifiques. Je suppose que c'est un chant magique, je sens la lassitude quitter mes membres et m'étonne à reprendre moi-même la comptine naturellement.
Nos corps comme nos esprits se retrouvent revigorés par cette litanie qui nous tire de notre léthargie. Une chanson, c'est tout ce dont nous avions besoin pour que le groupe trouve un rythme commun et avance en accord. Tout va mieux quand d'un coup :
« COUREZ ! » Hurle Séraphe.

Le monde des ElfesWhere stories live. Discover now