𝑴𝒂𝒋𝒐𝒓𝒅𝒐𝒎𝒐 •° ᶜʰᵃⁿᵍˡⁱˣ

•°XXXVIII°•

La question parut gêner le jeune maître, qui n'avait jamais été réellement ouvert par rapport à ses émotions. Au fond, tout le monde savait à quel point Changbin lui avait manqué, même Changbin l'avait à peu près deviné. Il ne restait plus que les lèvres fermées du roux, comme barrière sur le chemin de la vérité et de la révélation.

Attendant une réponse, le noiraud ne décollait pas son regard de son interlocuteur. Tout ce qui manquait pour que le début de la journée soit parfaite, c'était cette fameuse réponse. Et il allait l'entendre. Il n'allait pas lâcher Felix sans que celui-ci ne l'avoue.

- Ben... Disons que... C'était un peu vide sans toi, répondit le maître avec un sourire maladroit. Il n'y avait plus personne pour me... tenir compagnie ?

- Mmh... Ce n'est pas la réponse que j'attendais, mais j'imagine que ça peut aussi me faire plaisir...

Dire cela avait déjà été tellement dur pour le roux. Il n'allait pas lui compliquer la tâche plus que ça.

- Mais, et toi alors ? s'exclama le jeune maître. Je parie que je t'ai aussi manqué, hein ? Il n'y avait plus personne pour te faire la morale, mmh ?

- Eh bien, moi, je ne vais pas le cacher : OUI, vous m'avez ÉNORMÉMENT manqué.

Felix était touché, et s'en voulait même un peu de ne pas avoir été, lui aussi, totalement honnête quelques secondes plus tôt. Il avait souri pour réponse, son regard se baladant partout dans la chambre, sauf sur Changbin.

- C'est ça votre réaction ? s'écria ce dernier. Vous êtes pas sérieux !

- Bah quoi ? Tu t'attendais à ce que je te saute dans les bras en t'embrassant partout sur le visage, tout en te remerciant parce que je t'ai manqué ?!

Le majordome avait l'air légèrement contrarié de ces propos pourtant censés être sarcastiques. Mais cela n'était rien comparé à tout ce qu'il avait dû endurer durant les débuts de ses services, alors ça passait.

- Je t'ai blessé ? s'inquiéta soudainement le roux, réalisant ses paroles.

- Mais non, pas du tout, Changbin avait un sourire énormément forcé.

Mais il ne fallait pas être un sorcier pour deviner que c'était tout le contraire. Et Felix s'était rapidement senti mal.

- Toi aussi... Tu m'as... manqué... il avait murmuré assez fort pour se rattraper.

- Euh vous pouvez répéter ? Je crois ne pas avoir bien entendu...

- Tu m'as manqué... Toi... Toi aussi...

Tout d'un coup, comme grâce à un coup de baguette magique, le sourire rayonnant avait repris possession du visage du majordome. Voilà ce qu'il voulait entendre, depuis le départ. Cependant, un autre sujet occupait encore ses pensées : Que ressentait-il réellement pour son maître ? Cela ressemblait à un certain attachement, et pourtant pas à une amitié. Il était confus à ce sujet, depuis un bon moment déjà. Et il sentait au fond de lui qu'il était temps d'en parler, en espérant ne pas se prendre un râteau...

- Hum... Je peux vous parler sérieusement ?

- ... Bien sûr... ? Mais vu le ton que tu prends, c'est un sujet délicat...

- Effectivement héhé...

Le roux avait un mauvais pressentiment. Normalement, il ne devrait rien craindre de son majordome, mais là... Il était devenu tellement stressé en seulement quelques secondes. C'était comme si on allait lui faire une demande de mariage... Mais Changbin devait sans doute être le plus nerveux des deux.

- Je-J'ai pas mal réfléchi depuis un bon bout de temps... Je voulais savoir... Pour vous... Je suis un ami ? Ou... Un confident ? Ou juste... Quelqu'un qui vit avec vous ?

Pour Felix, Changbin était tout cela à la fois, mais pas seulement. Il voyait le majordome comme un bon ami, certes. Quelqu'un qui s'occupait de lui et qui était là pour lui remonter le moral si besoin. Mais au fond du roux, il y avait bien plus que ça. Ils n'étaient sans doute pas proches au point de se nommer "meilleurs amis du monde", mais Felix avait l'impression d'avoir dépassé ce stade avec son majordome.

- Oui, répondit-il simplement.

- O-Oui ? Oui pour quoi ? Changbin était confus.

- Oui, tu es mon ami. Oui, tu es mon confident et oui, tu es quelqu'un qui vit avec moi.

La réponse n'était malheureusement pas suffisante pour le majordome. Mais le roux avait bien trop honte d'avouer ce qu'ilbressentait, appréhendant un râteau de la part de son vis-à-vis, sans savoir que le noiraud craignait la même chose que lui. En gros, aucun des deux ne semblait vouloir faire le premier pas et prendre le risque.

- C'est tout ? demanda le majordome, prenant son courage à deux mains. Je ne suis rien de plus pour vous ?

- Que veux-tu dire par "plus"? ... Est-ce que c'est...

Même si Felix n'avait pas terminé sa phrase, ils savaient qu'ils pensaient à la même chose. Alors ils rougirent. La situation était tellement embarrassante...

- Pour toi... Est-ce que je suis plus que ça ? hésita le maître, osant enfin affronter le regard de son majordome.

- Je ne sais pas... Oui ? Je pense... Je crois... Non j'en... J'en suis sûr...

La réponse maladroite avait fait rire Felix. Même dans une telle situation, son majordome arrivait encore à l'amuser. Felix ne voulait qu'une chose : avoir Changbin à ses côtés, que ce soit aujourd'hui, demain, ou après-demain. Qu'il soit un jour un homme de la quarantaine trop occupé par son entreprise, ou encore un homme âgé profitant de sa retraite, le roux voulait juste que Changbin soit là à chaque grande étape de sa vie. Et il ignorait si cela était de l'amour ou non. Tout ce qu'il savait, c'était qu'il voulait que le noiraud ne parte jamais.

- Tu ne vas sans doute pas me croire... Mais je pense que je ressens aussi la même chose... répondit-il avec un sourire en coin, provoquant une vive réaction de la part de son majordome.

- SÉRIEUSEMENT ?! Je veux dire, sérieusement ? Je... Oh la la ! Je ne sais pas quoi dire je... Ouf ! Je n'en reviens pas ! Mais c'est juste fou... !

Changbin se croyait dans un rêve. Il avait l'impression d'être dans un film, dans un roman, peut-être même dans une fanfiction, peu importe ! Il se disait juste que tout cela était trop beau pour être vrai. Lui qui avait tellement eu peur de se prendre un râteau, le voilà devenu l'homme le plus heureux de la planète. Peut-être même de la galaxie. Il doutait fort qu'un extraterrestre soit plus heureux que lui, quelque part, à ce moment-là.

- Je ne sais pas quoi dire après une telle révélation... sourit-il, tout excité. C'est tellement... inhabituel...

- Alors ne dis rien. Personne n'embrasse en parlant, si ?

Aussitôt dit, aussitôt fait. Changbin n'avait même pas eu le temps de réaliser les paroles de Felix que celui-ci avait déjà plaqué ses lèvres contre les siennes. Et un Bigbang était venu en même temps dans le ventre du majordome, partagé entre le bonheur et la surprise.

Finalement, ce ne fut qu'à ce moment-là qu'il était l'homme le plus heureux du monde...

Et tant pis pour les extraterrestres qui en douteraient...