Colyna - 4

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 C'est comme si j'avais dormi une éternité. Ma bouche est pâteuse, je me sens vaseuse, je voudrais ouvrir les yeux, mais je n'y arrive pas. Peut-être suis-je trop fatiguée ? Je pourrais me reposer encore un peu, j'hésite.

Quel jour sommes-nous ? Ai-je cours aujourd'hui ? Je suis sortie hier soir, mais j'ai du mal à me rappeler. Est-ce que j'ai bu ? Pleuré ? Mes idées sont confuses et je ne parviens pas à les ordonner, j'aimerais vérifier l'heure qu'il est et mes notifications sur mon téléphone. J'entreprends le geste, m'imagine tâtonner jusqu'à ma table de nuit. Pourtant, je suis toujours immobile. C'est rageant, cet épuisement, la colère qui ne vient pas ! Je devrais m'agiter, m'emporter, je ne fais rien. Je ne sens pas mon corps, c'est comme s'il n'y avait plus que mon âme, je panique, mais rien ne se passe. La pénombre m'engloutit et je ne parviens pas à lutter. Je vais mourir, j'en suis certaine, à moins que ce ne soit déjà fait. Non, je ne veux pas !

Que m'est-il arrivé ? Je voudrais me souvenir, je voudrais voir, percevoir, et comme pour me rassurer, une lueur apparaît. C'est comme une étoile dans la nuit, un point blanc, étrange et lumineux, je me concentre, j'aimerais mieux distinguer, mais je suis éblouie. Je suis toujours immobile, pourtant, je me rapproche, la lumière m'engloutit, m'aveugle, j'entends des bourdonnements, comme des milliers d'insectes autour de moi. Je sens leurs picotements sur ma peau et je hurle, mais aucun son ne franchit mes lèvres, je suis terrifiée. Une angoisse surréaliste monte dans ma gorge et une main vient serrer la mienne pour me rassurer. Ce n'était qu'un cauchemar.

Je respire à nouveau, j'ai enfin ouvert les yeux et la voix douce de ma mère réconforte mes craintes. J'ignore ce qu'elle dit, mais ça n'a pas d'importance parce qu'elle est là, elle caresse mes cheveux et m'enveloppe de sa tendresse. Ce n'était plus arrivé depuis longtemps, je ne suis plus une enfant, mais en cet instant rien ne me paraît surprenant. Le songe s'éloigne, la réalité revient peu à peu et je comprends que je ne suis pas dans ma chambre.

Autour de moi, tout est blanc, mon corps est étrangement engourdi, ma bouche à un goût de médicaments et des bruits désagréables me font grimacer. J'ai envie de protester, de dire à Madly de me laisser dormir encore un peu, à Maman de continuer de me câliner, mais ma vision a retrouvé sa netteté et je frissonne à la vue des regards posés sur moi. Maman est assise à mes côtés et Stefan se trouve juste derrière, ses yeux bleus emplis d'une souffrance incompréhensible. Il y a aussi du mouvement sur ma gauche que je ne parviens pas à identifier. Étaient-ils vraiment en train de m'observer dormir ? C'est déstabilisant ! Et pourquoi ne suis-je pas à la maison ?

Une femme sur ma gauche s'agite bizarrement, à moins que je ne sois pas bien éveillée. J'entends qu'on parle de médecins, d'infirmières, et je voudrais saisir, je voudrais paniquer avec eux, mais mon corps refuse toujours de m'obéir. Ma tête est lourde, mon cou semble entravé, mes bras répondent, mais à une lenteur déstabilisante. Mon dos est endolori, j'aimerais changer de position, je suis trop fatiguée pour ça et cette agitation m'épuise déjà.

– Notre petite dormeuse est enfin parmi nous ! se moque la femme en blouse bleue.

Je ne la connais pas, mais je devine qu'il s'agit d'une infirmière. Son sourire est forcé et ses yeux bleus semblent étonnamment gênés. Je l'observe vérifier les branchements à mon bras et des chiffres sur un écran, je remarque son nom sur un badge et les tremblements de ses doigts. Rose, c'est un joli prénom, mais je déteste l'expression sur son visage, celui qui paraît dire que je suis condamnée. Qu'est-ce qui m'est arrivée ? Pourquoi Maman est-elle si silencieuse ?

– J'ai appelé le médecin, il ne devrait plus tarder, commente-t-elle sur un ton un peu trop enjoué.

– J'ai soif.

BrokenWhere stories live. Discover now