Le stylo du temps

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Ce texte fait suite à "prochain arrêt" la première nouvelle.

Depuis ce qu'il s'était passé dans le métro il y à deux semaines, ma vie avait changé du tout au tout. Je dormais peu , je me réveillais parfois à cause des cauchemars terribles que je faisais. Je ne mangeais plus beaucoup, les visions tournant dans ma tête, mon trouble lié au fait de ne pas savoir si ce que j'avais vu était réel ou non m'affectant tout particulièrement . Le pire , c'est qu'il à bien fallu que je le reprenne. Que je remonte dans un train, avec la peur au ventre. De revoir cet homme, ces rames infestées de morts en putréfaction. 

Je continuais toutefois à me rendre à la fac, persuadé que cet état ne durerait pas , et qu'aucune chose étrange de la sorte ne m'arriverait plus. La routine, aussi dure qu'elle me parut, me laissait alors un repère stable, un point d'ancrage suffisamment solide pour continuer. Même si mes tourments, mes pensées me rendaient dépressif, je glissais sur le quotidien comme sur une plaque de verglas. 

Et pourtant, un événement en apparence anodin vint tout faire basculer. Un jour que j'étais dans cette grande salle insonorisée, tapissée de moquette et remplie de longues tables rouges agrémentées de chaises de la même couleur;que l'on appelle le Grand Amphi;je suivais un cours avec attention, le dernier de ma journée. Après cela, je devais prendre le fameux métro qui m'avait vu défaillir. La fin de l'heure arriva, et en me levant pour partir, je le vis pour la première fois. 

D'une couleur métallique le faisant briller suffisamment pour retenir mon attention, un stylo était posé sur le sol. Je le pris dans ma main, cherchant du regard si quelqu'un ne le cherchait pas. Des fournitures oubliées dans une salle de classe, c'est assez fréquent, mais cet objet avait une beauté toute particulière. Il me sembla que c'était tout de même une fourniture de marque. Si elle avait une quelconque valeur sentimentale, autant la restituer à son propriétaire. 

Personne. Tout le monde se pressait pour quitter la salle. Sans savoir pourquoi, je le fourrais dans ma poche, le trouvant "classe". Je sortis sans plus faire attention au stylo . De la musique dans les oreilles, le casque vissé sur la tête, le sac accroché dans le dos , j'étais prêt pour rentrer chez moi. Cette fois ci, le métro était blindé de monde, je préférais ça . 

C'était quand même étonnant, qu'une fois dans une vie, il m'arrive ce type d'hallucinations. Après tout, c'était peut être lié au stress ou au sentiment de mal être qui m'habite.Ou alors je devenais fou. Mais qu'est ce que ça veut dire, fou? A quel moment on le devient, pourquoi, comment? Est ce que tout les fous voient des gens en putréfaction dans le métro? Certainement pas, alors c'est peut être qu'une forme de pathologie parmi des milliers d'autres. Je devrais aller voir un psy tout de même. Quoique, si tout ça est réel, je vais passer pour un con. 

Comme d'hab, les gens du métro font les gens du métro. Ils téléphonent, pianotent sur leurs smartphones, rient , parlent , pleurent ...moi je les regarde. Je les analysent quand je suis seul.Quels vies ont t'ils? Sont ils heureux d'être là? Sûrement pas. Je ne sais pas. Ils attendent, ils sont en transit vers une autre station, comme moi. Tiens, c'est la mienne. Je descend, comme vomi de la rame. 

Personne ne s'arrête dans une gare. Les seuls qui s'arrêtent, c'est pour acheter des trucs. Où gagner un parfum gratuit. Moi le plus souvent je m'en tape, je veux rentrer chez moi, même si je pue. Comme d'hab les gens de la gare font les gens de la gare. Les sans abris demandent leurs pièces, pancartes ou pas, regard fuyant. Ils ont peur de croiser le regard des gens friqués. Les gens ont tout aussi peur de les regarder. Pourtant, ils sont loin de mordre. D'ailleurs, il y en à deux catégories : ceux qui demandent avec la fameuse pancarte qui nous rappelle à quel point ce monde ne distribue pas les cartes de manière égale, et ceux qui ont un talent pour un art en particulier. Peinture, musique , chant , tout ce qui peut attirer l'attention des parisiens qui s'en foutent. Parfois ça marche. D'autres ont déjà atteint le stade où ils s'en branlent à en être sourd. 

Notules Horrifiques ( Version Wattpad)Where stories live. Discover now