- Tu travailles ? demanda le fils, même s'il voyait bien que c'était le cas.

- Eh oui, le travail n'attend pas fiston. Surtout quand tu es à la tête d'une aussi grande entreprise que la mienne. Je peux sembler me la couler douce, mais en vérité non.

S'asseyant sur la chaise juste à côté de son père, Felix observait celui-ci travailler. Un jour, plus tard, il serait aussi ainsi. Mais il avait tellement manqué son adolescence, qu'il espérait que ce soit le plus tard possible.

- Quand est-ce que nous rentrons ? il demanda naturellement.

- Dans deux jours je suppose ? J'ai déjà tellement hâte que tu reviennes à la maison.

Felix était ravi d'entendre ces paroles, surtout venant de son père, avec qui il n'était plus tout proche. Lui aussi avait hâte de revenir chez lui. Son ancienne maison lui donnerait sans doute de mauvais bons souvenirs, à savoir sa famille lorsqu'elle était encore unie auparavant, mais c'était un grand pas en avant. Ainsi, il tournerait plus facilement la page sur son sombre passé.

- Qu'est-ce que nous ferons une fois à la maison ? le roux était enthousiaste. Regarder un film ? Sortir au parc ?

- Travailler bien sûr.

- Euh quoi ?

L'expression faciale du jeune maître avait seulement pris quelques millisecondes pour totalement changer. Cette réponse-là ne faisait pas partie de ses options.

- Tra-Travailler ?

- Bien sûr. Je vais directement t'initier à l'entreprise. Ne t'en fais pas, ce ne sera pas difficile.

- Mais déjà ? Pourquoi ? Felix était confus.

- Écoute mon grand. Je ne suis plus tout jeune et ma retraite approche à grand pas. Je vais bientôt avoir la cinquantaine dans six ans.

C'est ça, ne plus être tout jeune ? pensait l'adolescent.

- Tu es mon unique fils, poursuivit le géniteur. Tu es donc mon successeur. Voilà pourquoi il est surtout important que tu reviennes avec moi.

- Donc si je comprends bien, tu me fais rentrer pour l'avenir de TON entreprise ?

- C'est ça ! Mais je continuerai de me servir avec tes bénéfices. Et lorsque je serai grand père, tu réussiras à me faire vivre.

Felix n'en revenait pas. Il n'avait pas tort. Il n'avait absolument pas tort. Son père ne pensait toujours qu'à son propre intérêt. Il ne voulait même pas rattraper le temps perdu avec son fils, comme il l'avait dit. Sauf si ce temps perdu n'était qu'initiation à son futur travail. À cause de son paternel, il n'avait pas pu pleinement profiter de son adolescence, avec des sorties entre potes et tout ce qu'il aurait pu faire. Mais en plus de cela, son père le préparait déjà à être à la tête de son entreprise ? Sans façons.

- Je pensais que tu avais changé... murmura-t-il tristement.

- Comment ? Comment ça "changer"?

Sans donner une réponse, Felix sortit rapidement de la salle à manger, les larmes aux yeux. Pourquoi fallait-il que sa vie soit autant peuplée de problèmes ? N'avait-il pas assez souffert comme ça ?

•°•°•°•°•°•°•°•

- Maître ! Maître ! Attendez-moi !

- Laisse-moi Changbin je n'ai envie de voir personne !

- Mais laissez-moi juste...

À bout d'entendre son majordome insister, le jeune maître stoppa finalement sa course dans le long couloir de la grande maison. Honnêtement, tout ce dont il avait besoin, c'était d'une oreille à l'écoute, pour qu'il puisse partager le plus profond de ses tourments. Car dans ce genre de situation, se confier aux autres fait partie des meilleurs moyens pour se libérer ne serait-ce qu'un peu. Cependant, le petit roux avait l'impression qu'une fois de plus, Changbin n'allait pas être de son côté. Il ne l'avait jamais été là veille.

- Qu'est-ce que tu veux me dire encore hein ? s'emporta-t-il. Que je dois essayer de comprendre mon père ? Que je dois lui pardonner pour ce qu'il m'a fait ?

- Je voudrai juste savoir ce qu'il vous a dit. Je croyais que vous étiez content maintenant... Vous savez bien que votre père ne veut que votre bonheur, peu importe ce qu'il vous a dit. Je suis sûr qu'il a ses raisons.

- Content ? Mais... il laissa échapper un long soupir, digne des plus grands records. Tu penses connaître mon propre père plus que moi, c'est ça ?

Chaque mot et chaque phrase sortant de la bouche de Felix n'était que cri et colère. Il était désormais à bout, et fatigué de devoir essayer de convaincre un Changbin qui n'allait apparemment jamais changer d'avis. Même après avoir appris que son père allait tous les virer, il continuait de le défendre. Mais au plus profond de lui, Felix était blessé de n'avoir personne à ses côtés.

- Les autres, je peux encore comprendre qu'ils ne soient pas avec moi, dit-il plus calmement. Je n'ai jamais été un bon maître pour eux... Mais toi...

Le majordome ouvrit grand les yeux, comme frappé par ces paroles. Sans compter sur les yeux devenant humides de monsieur Lee.

- Je pensais que tu étais différent, d'accord ? s'écria-t-il. Je pensais que tu étais capable de me comprendre ! Mais je t'ai surestimé...

- Mais non monsi-

- À quoi ça me sert d'avoir un majordome s'il n'est même pas là pour moi, hein ? Tu ne fais que défendre mon père à chaque fois, même après avoir su qu'il allait vous mettre à la porte.

Le majordome en question se mit à fixer le plancher, donnant raison à son maître. Peut-être avait-il trop profité de la gentillesse dont monsieur Lee avait commencé à faire preuve à son égard, au point de penser qu'il pouvait dicter les choix de son supérieur.

- Moi j'en peux plus, souffla une dernière fois le jeune roux. Ça m'épuise tout ça... Alors maintenant laisse-moi, ok ? Ne me suis pas, et laisse-moi déprimer en paix, tout seul, sans personne et surtout sans toi.

Après un dernier regard englobant la colère et la tristesse qu'il ressentait, monsieur Lee partit. Le majordome pensait qu'il était sans doute mieux qu'il n'intervienne plus, le temps que son maître se calme. Pourvu que ça soit rapide...

•°•°•°•°•°•°•°•°•

- Monsieur Lee ?

Il était l'heure de dîner et Changbin avait enfin trouvé le courage d'entrer dans leur chambre pour parler au petit roux. Entre-temps, il avait fait une introspection et avait décidé de s'excuser auprès de son maître. Mais à sa grande surprise, celui-ci n'était pas là. Il n'était pourtant pas ailleurs non plus, le majordome ayant fait le tour de la maison.

Une panique naissante en lui, il se mit à courir dans toutes les pièces, vérifiant les moindres recoins et craignant le pire. Sa voix faible et effrayée de cessait de résonner, à la recherche d'une réponse. Une fois toute la maison fouillée, il avait décidé de s'attaquer à l'extérieur alors que la peur le rongeait. Il tremblait à chaque mouvement, son sang lui semblait rempli de glaçons.

Il ne le vit nulle part.

Son maître n'était définitivement pas là.

Le majordome en était presque en larmes.

- Monsieur Lee a disparu...

𝑴𝒂𝒋𝒐𝒓𝒅𝒐𝒎𝒐 •° ᶜʰᵃⁿᵍˡⁱˣWhere stories live. Discover now