Chapitre 3: Oops!...I did it again...

20 1 0
                                    


Avant de pénétrer dans l'appartement de Marion, George songea que s'il était un protagoniste de roman, si quelqu'un de mal intentionné devait un jour écrire son histoire, le narrateur déroulerait alors, de la manière la plus clichée qui soit, une de ces descriptions longues et enchanteresses où le personnage central, sortant de sa caste, découvre avec une admiration extatique les attraits de la classe sociale supérieure de laquelle il est devenu, pour un temps, l'un des membres. Il découvrirait des lustres aux dorures scintillantes qui l'obligeraient à détourner le regard, aveuglé par leur brillance, sa bouche s'ouvrirait en un « O » de stupeur face à l'esthétique des commodes Louis XIV dans lesquelles se retrouverait rangés un set de table riche et princier, et à lui l'immense honneur d'essuyer ses tennis crasseuses et boueuses sur un tapis de soie dont le prix seul lui couterait un mois de loyer.

Il ne lui fallut qu'un pas et qu'un regard pour comprendre qu'il n'en serait rien. Dans la foulée, il découvrit une nouvelle information importante : celle que les gouts décoratifs de Marion étaient à chier.

Si l'ouïe avait été le premier de ses sens agressés dès lors qu'il était entré dans l'appartement, la vue arrivait bien en deuxième position. Les couleurs en elles-mêmes étaient très banales : Marion avait opté pour des murs d'un blanc d'ivoire, qui singeaient le mobilier exposé dans le corridor, à travers ce meuble en chaussure d'une taille extravagante à sa gauche et le porte-manteau qui, déjà, semblait plier sous le poids des atours tel Sisyphe portant sa pierre. Rien d'ostentatoire en somme, non, ce qui heurtait la sensibilité de George Langlet en cet instant, c'était plutôt l'accumulation grossières de tableaux aux citations inspirantes telles « Life is a joke » « Home is where your heart is » ou encore « You'll never know if you don't try », sans oublier le classique « Ceux qui persévèrent réussissent ».

Le jeune homme était quasiment sûr que Marion, aussi peu douée en anglais qu'elle l'était, ne comprenait pas un traitre mot des posters qu'elle affichait sur ses murs, aussi avait-elle du afficher ces tableaux pour leur apport « esthétique ». Quant à celui sur la réussite...il imaginait mal la persévérance de Marion payer ce logement aux proportions extravagantes. En somme, la jeune femme semblait avoir meublé son appartement pour qu'il reflète le plus exactement possible sa personnalité ; d'une manière froide, fade et insipide, aussi doué d'identité qu'une brochure d'appartement type Maisons du Monde.

George revint à ses esprits en entendant derrière lui Antoine fermer la porte bruyamment, ce dont il s'excusa l'instant d'après avec un sourire gêné.

- J'aime beaucoup ton appartement Marion, ajouta-t-il, tu as vraiment du goût. N'est-ce pas George ?

Ce dernier se tourna vers la jeune femme et remarqua dans ses yeux verts la même lueur de dégout que celle qu'il avait lui-même affiché en observant ses murs.

- Exquis, vraiment exquis.

Puis il se tourna et remarqua à sa droite un tableau avec des chatons jouant ensemble. Pensant à son cadeau, il ajouta :

- Et rassurant tout d'un coup !

Marion semblait prête à répondre, mais se ravisa en réalisant sûrement que ce serait là un gâchis inestimable de salive, dont elle aurait grandement besoin au cours de la soirée. Aussi, elle se contenta de rouler des yeux et précisa :

- Allez, donnez-moi vos manteaux et allez vous assoir, vous êtes déjà en retard.

Antoine lui tendit servilement le sien en la remerciant d'une manière bien trop appuyée et George s'apprêta à en faire de même lorsque Marion vit qu'il ne portait qu'un tee-shirt de rock en dessous.

I am the Walrusحيث تعيش القصص. اكتشف الآن