Chapitre 1.

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Chapitre 1

Pour Karol Sevilla, l'élégante invitation sur papier ivoire, délicatement calligraphiée et finement décorée, tenait plus de l'humiliation à retardement, prête à lui exploser en pleine figure, que du faire-part de mariage. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elle avait un problème.

Agustin, son seul frère, de trois ans son aîné, se mariait le week-end suivant. Pour de vrai. Elle était vraiment heureuse pour lui. Voire ravie. Sa fiancée, Valentina, était une fille super, et elles étaient rapidement devenues amies. Valentina ne ferait jamais de mal à son frère. Leur histoire aurait pu servir de scénario à une comédie romantique bas de gamme : ils s'étaient rencontrés en deuxième année à la faculté du Maryland, étaient tombés éperdument amoureux, avaient décroché des jobs de rêve dès la fin de leurs études, et le reste n'était que littérature.

Non, ce n'était pas eux le problème. Encore moins un mariage dans les vignobles de la Virginie.

Ni même ses parents à moitié barjots, qui possédaient une très lucrative boutique en ligne appelée

Le Jugement dernier est notre métier, et qui étaient tout à fait capables de refiler des masques à gaz aux invités. Karol aurait préféré affronter un astéroïde brandissant un panneau sur lequel figurait la mention « Nique la planète » plutôt que ce qui l'attendait.

Elle regarda de nouveau l'invitation avec la liste des garçons et des filles d'honneur en grimaçant.

Elle soupira doucement en jouant avec les longues mèches de cheveux bruns qui s'étaient échappées de son chignon fait à la va-vite.

Juste en face de son nom, séparé par quelques points de suspension innocents et écrit à l'encre rouge, se trouvait le nom du témoin : Ruggero Pasquarelli.

Dieu me hait. C'était la seule explication. Elle était témoin aussi, et n'importe lequel des frères Pasquarelli aurait fait un témoin parfait. Mais non, il fallait que cet honneur échoue à Ruggero. C'était le meilleur ami de son frère, son confident, son pote d'enfance, connu aussi sous le nom de Fléau de l'existence de Karol.

—Tu auras beau la contempler pendant des heures, ça ne changera rien.

Giovanna Reynaud appuya sa hanche généreuse contre le bureau de Karol, et cette dernière leva le nez. Son assistante était la preuve vivante que l'horreur vestimentaire de certains faisait le bonheur des autres. Aujourd'hui, Giovanna portait une minijupe fuchsia et une blouse en dentelle mauve à pois. Une écharpe noire et des bottes en cuir complétaient sa tenue. Etonnamment, ce costume de clown lui allait à merveille. Giovanna était une femme audacieuse.

Karol soupira. Elle aurait bien eu besoin d'un peu d'audace, elle aussi.

—Je crois que c'est au-dessus de mes forces.

—Tu aurais dû m'écouter et inviter Michael, du département d'histoire. Au moins, tu aurais eu la satisfaction de baiser tout le week-end au lieu de fantasmer pendant quatre jours sur le meilleur ami de ton frère. Un homme, qui, je te le rappelle, t'a déjà larguée une fois.

Giovanna avait raison. Elle était futée, elle.

— Qu'est-ce que je vais faire? demanda Karol en regardant par la fenêtre de son bureau.

Elle ne voyait que l'acier et le béton du musée qui jouxtait son bâtiment, l'Institut Smithsonian. Cette vue la remplissait toujours de fierté ; elle avait travaillé dur pour faire partie de la petite élite qui avait le privilège d'exercer dans cette extraordinaire institution culturelle.

Gioanna se pencha vers Karol pour attirer de nouveau l'attention de cette dernière.

— Ce que tu vas faire ? Tu as gérer la situation comme une grande fille. Tu nourris peut-être pour Ruggero Pasquarelli un amour secret et éternel, mais puisqu'il n'a toujours pas compris à quel point tu es fabuleuse, c'est la preuve qu'il n'est pas normal et qu'il ne mérite pas que tu te mettes dans un état pareil.

Crazy loveWhere stories live. Discover now