Chapitre 12 - Partie II

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Shane


Cette maudite pluie ne s'arrêtera donc jamais. Les gouttes s'infiltrent sous mon manteau, roulent sur mon dos, sur mon torse. Des boucles rebelles viennent se coller à mon visage et l'appréhension, qui enserre ma cage thoracique, masque presque toutes mes sensations, hormis celle du froid qui lacère mon corps entier.

D'une main, Roxane comprime toujours son parapluie contre sa poitrine. De l'autre, elle serre la mienne et me suit nerveusement à travers les rues de Harlem. Elle presse le pas pour être au plus près de moi, peu rassurée par l'environnement dans lequel je l'incite à me suivre.

Arrivés sur la 126e rue, je jette un rapide coup d'œil aux quelques passants qui s'attardent encore sous les trombes d'eau. Trop occupés à ne pas finir trempés jusqu'aux os, ils ne nous prêtent aucune attention. Je presse Roxane d'emprunter une petite ruelle discrète, dans laquelle elle s'engage sans hésitation.

Après quelques mètres, je vérifie une dernière fois les alentours et attrape son bras. Celle-ci se stoppe net et fait volt-face. Je la déplace alors jusqu'au mur de briques, auquel elle s'adosse, laissant son parapluie se plier derrière elle.

Bien. C'est là.

Je secoue mes cheveux pour les libérer des gouttes de pluie qui s'y attardent, pendant qu'elle me dévisage, interloquée :

- Shane, qu'est-ce qu'on fabrique ici ?

Je prends une profonde inspiration, tout en veillant à maintenir un espace décent entre nous deux.

- Rox, tu es sûre que c'est ce que tu veux ? Tu veux vraiment avoir un aperçu de ce que je fais de ma vie ?

- Bien sûr que oui. Bon sang, qu'est-ce qui peut bien te faire aussi peur que ça ?

-... J'ai peur que ton regard sur moi change quand tu sauras.

Elle reste stoïque, impassible. Un léger doute assombrit ses grands yeux bleus, mais elle poursuit, plus déterminée que jamais :

- Bon, tu me montres ? Je suis censée retrouver Jordan pour aller au cinéma ce soir, et je...

J'éclate d'un rire nerveux et passablement moqueur.

- Sérieusement ?

Je me ressaisis dans la précipitation, réalisant que ma réaction est extrêmement malvenue au vu de la situation. En effet, Roxane ne tarde pas à hocher la tête et à froncer les sourcils avant de me bousculer brutalement par l'épaule.

- Oui, très sérieusement. Et tu es très mal placé pour dire quoi que ce soit là-dessus, je te signale !

Je ne réponds pas et sonde une dernière fois son visage. Dans le miroir de ses yeux, je perçois sans mal la curiosité vaillante qui, armée d'un courage sans failles, domine drastiquement ses craintes. Elle veut savoir, elle ne lâchera rien.

Résigné, je quitte alors la ruelle en direction de la 125e. Roxane me regarde m'éloigner sans dire un mot, puis finit par me rejoindre en trottinant derrière moi. Arrivée à ma hauteur, je lui jette un rapide coup d'œil. Ses joues rosissent, ses prunelles commencent à briller, et je devine sans mal la poussée d'adrénaline qui la submerge au fur et à mesure que nous avançons sur le boulevard. Le trottoir, d'ordinaire si bondé, s'est vu déserté par la quasi-totalité de ses passants. Nous marchons lentement vers un petit drugstore dont je sais qu'il n'a jamais eu affaire au Rouge-Gorge ni à aucun de ses sbires - moi compris, s'entend. Roxane se presse toujours à mes côtés, bien à l'abri sous son parapluie. Lorsque j'arrive à la hauteur de la devanture, je me retourne, l'attrape par la hanche et l'attire contre la mienne. Elle se contracte violemment à ce contact et détourne aussitôt la tête vers les quelques voitures passantes. Je me penche alors à son oreille et murmure :

Le Dernier Vol des Oiseaux de Sang | TERMINÉEWhere stories live. Discover now