Resander

Chapitre 1

C'était il y a longtemps. Cette histoire-là, je m'en souviendrai toute ma vie. Il neigeait comme jamais. Le froid, j'en avais l'habitude. Ce n'était pas la première fois que je restai dehors autant de temps, les pieds dans la neige qui m'arrivait jusqu'au genou, sans piper un mot. Sans même ressentir cette sensation mordiller mes mollets. Mais ce jour là, c'était beaucoup plus particulier.

Ce jour là, la neige était beaucoup trop blanche à mon goût, beaucoup trop froide, beaucoup trop féroce. Je le sentais monter le long de mon corps, me grignoter sans aucune pitié. Je me haïssais de le ressentir.

Moi.

Mais peut être que je le ressentais car ce jour là, j'avais justement peur. La peur, ce sentiment humain qui est normal de ressentir. Un sentiment s'unissant à l'instinct de survie. Avoir peur, empêche l'Homme de se mettre en danger. C'est un signal qu'envoie le cerveau pour protéger le corps humain, pour éviter une connerie qui tuerait ce corps.

On peut penser ça.

Où on peut penser comme moi. La peur sert à envoyer un signal précis au cerveau : Hé, prépare l'adrénaline et tout ce qu'il me faut pour m'endurcir et foncer sans trop me niquer.

Et là, j'avais peur. J'avais un peu honte de ressentir cette peur, car elle reste un sentiment de lâche. À mon sens.

Ce jour là, c'était en février 2019. Nous étions en Sibérie, en pleine Russie sauvage. Je formais équipe avec Frida. Une Resande compétente, reposée, calme et très maline. Nous étions là pour une mission particulière, une mission nécessitant une équipe de deux, ce qui était rare.

Nous devions arrêter le meurtre d'un enfant. Pas n'importe lequel, non. Le meurtre d'un gosse qui aurait découvert le remède immédiat contre le cancer, une fois qu'il aurait grandis. Un gosse important, vivant ici, dans cette forêt blanche et dans cette cabane. Cet enfant s'appelait Youri Raznikov, 8 ans. À 12 ans, il se fera enlever par un groupe de scientifique qui le croira abandonné. Ce groupe l'emmènera en Angleterre, où il y apprendra la langue. Il grandira dans une famille adoptive. Réservé et triste au début, il finira par oublier sa famille en Sibérie. Talentueux dans les études, il finira par se lancer dans la recherche et trouvera un vaccin utile contre tous genre de cancer. Cette découverte fera de lui une personne célèbre, beaucoup de bien au monde et il se lancera dans la recherche pour guérir d'autre maladie. Il y arrivera. Par la suite, il essaiera de trouver sa vraie famille d'origine. Il apprendra qu'à 12 ans, il ne s'était pas perdu dans la forêt mais que sa mère l'y avait laissé. Une bouche en moins à nourrir. Il tombera dans une mini dépression, et aura l'idée de se pencher sur un remède permettant à n'importe qui d'oublier ce qu'il veut oublier, et qui marcherait uniquement si le sujet le veut.

Bref, ce Youri était important, et nous devions le protéger de sa mort.

Habillée en blanc, Frida me tira d'un seul coup dans la neige ; le froid qui me piquait les jambes s'attaquait désormais au haut de mon corps. Je ne laissais rien paraitre. Je ne voulais pas qu'elle raconte à nos supérieurs que j'étais flasque.

Bien que je savais qu'elle ne le ferait jamais.

Concentrée, elle regarda bien en face d'elle avec la mâchoire serrée.

Et nous vîmes Erika. La grande et belle Erika, avec ce visage ni trop féminin, ni trop masculin, ses cheveux noirs comme le jais et sa peau translucide. Elle s'avançait comme un serpent. Souple, rapide, droite.

_ Elle nous a vus, déclara alors Frida.

Stupéfaite, je la regardai avec les sourcils froncés. Comment pouvait-elle le savoir ? Je ne savais pas. je pouvais cependant m'en douter : Frida était la sœur jumelle d'Erika.