Le septième monde ou De mundo in motu

32 10 44
                                    

Texte de CleliaMaria2

2ème époque: De mundo in motu

Tant d'années s'étaient écoulées depuis l'entrée dans l'Anthropocène, qui pourtant n'avaient servi à rien... Aucun appel à la raison n'avait été entendu, malgré les tentatives de certains. Petit à petit, les régions sèches avaient évolué en déserts arides où ne prospéraient que le sable et le vent : avec chaque degré supplémentaire dans le réchauffement climatique, c'était près de 20% des ressources en eau qui s'évaporaient dans l'atmosphère. Et cette évaporation anormale alimentait le déséquilibre planétaire... La sécheresse atroce provoquait des incendies d'une violence extrême dans les zones chaudes où la végétation survivait encore, tandis que des pluies torrentielles, accompagnées de tempêtes tropicales et autres typhons, ravageaient les zones tempérées devenues trop humides. Les humains avaient eu de nombreuses occasions de regretter l'urbanisation de terrains considérés inondables... La destruction était partout, et les morts se comptaient par centaines.

Les écosystèmes marins n'avaient pas été épargnés par les effets conjugués du réchauffement, de l'acidification, des pollutions et de la surpêche. Fuyant leurs eaux surchauffées, les espèces tropicales avaient tenté de gagner des latitudes plus fraîches, espérant un temps de répit. Mais le déséquilibre à l'œuvre avait généré un effondrement des ressources conduisant à la disparition de plus de la moitié de la biomasse des océans. Et l'élévation du niveau de la mer avait parachevé la destruction des habitats côtiers, au point d'effacer de la surface du globe des îles entières...

D'anciennes maladies qu'on pensait éradiquées ressurgirent, alors même que de nouvelles émergeaient, également à la faveur de ces bouleversements écologiques. Le déséquilibre avait atteint son apogée, le point de non retour au-delà duquel toute réaction s'emballe irréversiblement. L'Armageddon.

Le monde avait basculé dans un autre paradigme, et pour la sixième fois depuis la Création, Gaïa ouvrit les yeux sur un royaume terrestre en perdition... Elle vit l'inconscience des hommes, qui mourraient de s'être pris pour des dieux. L'évolution les avait-elle trop richement dotés ? Avaient-ils trop bien réussi ? Aveuglés par leur apparente domination sur la planète, ils s'étaient crus supérieurs aux grandes lois naturelles, pauvres fous qu'ils étaient... et dans leur suicide insensé avait entrainé avec eux la majeure partie de la biosphère. Quelle déception ! L'espèce réputée « douée de raison » n'avait guère brillé par ses actions, au bout du compte... et l'heure était venue de rebattre une nouvelle fois les cartes, pour un nouveau départ, une nouvelle aventure. Mais Gaïa vit aussi ce qu'il y avait de grand et de bon dans l'humain, car quelques-uns s'étaient élevés contre la bêtise du plus grand nombre, et avaient tenté de survivre en accord avec ses lois. Ceux-là ne furent pas simplement annihilés : dans chacune de ses nouvelles créations, Gaïa avait conservé une partie des anciennes, car la Déesse n'aimait pas gâcher le matériel expérimental. A chaque Dieu ses passions, et Gaïa aimait par dessus-tout créer de nouvelles choses, impulser la vie sous une forme encore jamais imaginée, et la regarder évoluer au fil des millénaires. Qu'avait-il manqué à sa précédente création terrestre ? Pourquoi cela avait-il échoué, cette fois-ci ? Tout semblait pourtant parfait, et elle s'était sentie fière de cette créature bipède qui paraissait si prometteuse...

La Déesse se perdit en réflexions intenses pendant plus de six jours terrestres. Le septième jour, elle décida que seule une émanation d'elle-même serait à même de reconstruire efficacement la vie sur Terre, mais qu'elle ne pourrait le faire qu'avec un esprit vierge, afin de ne pas reproduire les mêmes erreurs. Gaïa créa donc un nouvel être doté d'une partie de ses pouvoirs, mais afin que sa créature garde son libre arbitre et ne soit pas influencée par les précédents échecs, elle fit en sorte qu'elle ne puisse accéder à toutes les connaissances d'un dieu. Seuls quelques souvenirs « humains » lui seraient ponctuellement offerts, si elle en éprouvait le besoin, ainsi que la capacité d'apprendre de la Nature même. Quand la créature serait prête, l'ensemble de ses souvenirs lui seraient rendus. La Déesse avait en effet décidé que sa magie irriguerait la Terre en continu, désormais. Elle ne se contenterait plus d'impulser une simple dynamique créatrice : elle serait à la fois le moteur et l'opérateur de la Vie et de son évolution.

Toute trace de l'homme et de ses méfaits fut alors effacée du monde, qui cicatrisa ses plaies et recouvra sa pureté originelle. Les germes d'un nouvel Eden avaient été semés...

Bientôt l'Enfant-dieu fut envoyée sur terre, innocente dotée du pouvoir d'influencer le Septième Monde, de le modeler selon son bon vouloir. Et comme Gaïa savait que vivre en solitaire érodait les êtres, elle créa également un compagnon que l'enfant découvrirait, afin qu'il éclose au monde quand le moment serait venu. L'esprit des derniers humains y fut scellé.

Une nouvelle ère commençait pour la planète Terre, placée à présent sous le règne de l'innocence et de la magie... Le meilleur était-il à venir, enfin ?

DE MUNDOWhere stories live. Discover now