Scènes Coupées | Tome ☆ : Silence ! [/en réécriture]

Cinq

C'est à partir de ce moment-là que j'oublie que je parle à la star mondialement connue. C'est vraiment étrange, je n'aurais jamais pu imaginer que j'agirai normalement avec quelqu'un de son milieu. À vrai dire, je les aurais probablement évités, ne voyant pas l'intérêt de leur apporter plus d'attention qu'ils n'en ont déjà. Mais je pense que le fait d'avoir pu discuter avec lui durant ces derniers mois m'aide à oublier ce qu'il est aux yeux du monde. Il n'est pas que mon correspondant que je rencontre enfin, et cette facette de la réalité me plaisait bien. Il est Jake Cameron, un américain menteur... Bon, c'est peut-être un peu réducteur, mais on verra bien ce que la matinée nous réservera.

J'attrape mon sac et mes clés avant de sortir dans le couloir en compagnie de Jake. Après avoir fermé et vérifié deux fois que c'était bien le cas, nous descendons les trois étages qui nous séparent du rez-de-chaussée pour arriver dans la rue, dans un silence assez gênant. Je lui indique ma voiture, une vieille Ford qui doit probablement le dépayser des voitures qu'il a peut-être dans son garage. Nous montons dedans, toujours sans un mot. J'ignore par quelle question commencer, tant elles sont nombreuses. Et j'ai bien l'impression que mon nouvel ami va me laisser galérer. Étonnant pour un acteur de ne pas vouloir parler !

— As-tu vraiment fait le voyage pour me parler en personne ? demandé-je, très curieuse.

— Disons que j'ai profité d'un rendez-vous de travail pour faire ce qui était juste, s'étonne-t-il en me souriant alors que je démarre. Cela te surprend ? Je n'allais quand même pas envoyer une lettre pour une telle annonce !

— Cela me surprend un peu, avoué-je en serrant imperceptiblement le volant, tu sais très bien que je n'ai pas souvent ce genre d'attention. Encore moins d'un ami que je ne connais que depuis quatre mois. Mais je suis contente que tu n'aies pas fait le voyage spécialement pour moi.

Je ne sais vraiment pas pourquoi j'ai dit ça ou ce qu'il pourrait comprendre, je reprends alors vite la parole.

— Ton vin est arrivé juste à temps pour un énième repas en compagnie de mes parents, de ma sœur et de son charmant mari, je l'informe avec un bref regard. Je vais peut-être réussir à passer une bonne soirée.

— En quoi mon vin va-t-il changer quelque chose ? demande-t-il en regardant par la fenêtre.

— Mon père raffole des vins de Californie, mais il n'en dit rien, il est tellement fier d'être anglais. Ce serait un sacrilège de complimenter quelque chose qui provient de ton pays.

— J'espère que mon vin te fera passer une agréable soirée alors !

— Je l'espère aussi. Mais ma mère serait encore capable de me faire un commentaire du style : « Oh ma pauvre chérie, cela a dû te coûter une fortune, cela ira pour manger ce mois-ci ? ». Sans compassion, juste pour me lancer une énième remarque, qu'elle fera lorsque l'on sera tous ensemble.

— Ta mère, de ce que tu m'as raconté, a l'air d'être un sacré...

— Une sacrée garce, le coupé-je aussitôt. Tu peux le dire.

— Je pensais plutôt à un sacré numéro, tu y vas un peu fort, non ?

— Pour tout avouer, l'envie de couper les ponts avec mes parents me démange depuis un moment.

— Vraiment ? s'étonne-t-il. Je suis sûr que ce genre de choses peuvent s'arranger...

— Pas avec l'arrivée du bébé...

Je n'aurais pas dû rejeter la faute sur mon futur neveu, ou ma future nièce. C'est plutôt ce qu'il représente qui me fait peur, ainsi que les remarques que je vais devoir endurer dans les prochains mois et même la prochaine année.

— Je n'en reviens pas...

— Quoi donc ?

— Le marché, c'est que ce soit toi qui parles ! lui rappelé-je en rigolant.

— J'espérais tellement que tu oublies ce deal, avoue-t-il sur le ton de la plaisanterie, mais avec une honnêteté non dissimulée.

Je lui lance un regard et me mets à rire avec lui. Nous arrivons devant la boutique quelques secondes plus tard, après un voyage court, mais très agréable.

— Il faut que je te dise que Lily risque de réagir d'une façon... démesurée, je le préviens avant de sortir de la voiture.

— Quoi ? Comment ça ? panique-t-il en sortant après moi.

— Tu verras...

Je me mordille la lèvre inférieure avant de claquer la portière de la voiture et de me diriger vers la porte d'entrée, Jake sur mes pas. Peut-être aurais-je dû entrer la première et prévenir ma collègue de ce qui allait l'attendre. Mais... n'ai-je pas le droit de me venger un tout petit peu ? Je l'imagine très bien commencer à crier, à lui poser mille et une questions, à le harceler et, sans vouloir être méchante, il l'aurait très bien mérité !

En entrant, je vois Lily derrière le comptoir, le nez dans les papiers. Elle m'a sûrement entendue entrer, grâce à la clochette au-dessus de la porte, mais semble bien trop occupée pour venir me saluer. Le second tintement, signifiant l'arrivée de Jake, la surprend et elle lève alors la tête. Il ne lui faut qu'une seconde pour avoir des yeux grands comme des soucoupes et pour... tomber ?

Sans savoir comment, ma chère amie Lily, qui est pourtant très équilibrée comme fille, a disparu derrière le comptoir.