Une princesse obstinée

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Le soleil tapait fort en ce début d'après-midi. Les parterres de fleurs éclatants dégageaient des odeurs si entêtantes que les innocents promeneurs se trouvant à proximité écopaient d'un sérieux mal de tête. Pourtant, la princesse Philomène ne semblait pas s'en soucier. Éclatante de beauté dans une somptueuse toilette bleue marine rehaussée d'or, elle se promenait parmi les fleurs magnifiques, protégée du soleil ardent par une délicate ombrelle. Mais elle était de très mauvaise humeur. En effet, la jeune fille marchait avec rage, obligeant presque ses suivantes et son porteur d'ombrelle à courir s'il ne voulait pas que la peau de la princesse ne soit marquée par le soleil.

Les poings serrés et les sourcils froncés, Philomène bouillait de rage : le roi Hanc, son père, avait en effet décrété qu'elle devait, atteignant ses dix-sept ans, se trouver un mari afin de pouvoir agrandir et unifier le royaume d'Aiguemarine. Toute autre princesse aurait accepté placidement cette décision, mais pas elle. Manque de chance pour le roi Hanc, Philomène avait hérité du caractère de feu de sa défunte mère. Dès lors que son père lui avait appris la nouvelle, la jeune fille avait rétorqué de manière glaciale qu'il était hors de question qu'elle se force à tolérer la présence de paons sans cervelle ne désirant obtenir qu'une plante verte pour épouse. Puis elle était sortie de la salle sans même le saluer pour se diriger vers le parc du château, afin de se calmer.

Une légère brise se leva, rafraîchissant Philomène qui sentit sa rage s'amoindrir. Ses idées s'éclaircirent et elle entreprit de faire le point sur ce qu'elle savait à propos des princes des royaumes voisins.

Il existait d'innombrables royaumes dans la contrée d'Argentium, mais elle n'accepterait jamais d'aller s'isoler dans un pays trop loin de chez elle. La jeune fille aimait le pays et le climat d'Aiguemarine où elle vivait et il était hors de question qu'elle ne puisse pas y revenir régulièrement. Se remémorant la carte d'Argentium que ses précepteurs lui avaient montré lors de ses cours, le constat fut rapide : seuls le royaume d'Améthyste, le royaume de Diamant et le royaume de Saphir, jouxant le royaume d'Aiguemarine, correspondaient à ses critères draconiens. Heureusement pour Philomène, le royaume de Diamant avait à sa tête un roi d'âge moyen avec une épouse et une ribambelle d'enfants en bas âge. Cela ne laissait que deux royaumes acceptables. La princesse savait que le roi d'Améthyste avait quatre fils et le roi de Saphir deux fils, sans connaître leurs âges cependant. S'ils avaient tous plus de dix-sept ans, cela lui faisait au moins deux prétendants pouvant être une épine dans son pied délicat.

Nerveusement, elle remonta l'Allée des Lavandes, dont le parfum des fleurs lui fit tourner la tête et prendre la décision de retourner au château. Une fois dans ses appartements, Philomène envoya chercher son précepteur favori Ozven, qui en connaissait long sur les héritiers des royaumes d'Améthyste et de Saphir. Hélas, le vieux précepteur était trop sensible à la chaleur de l'été pour lui fournir des explications claires et elle le renvoya se reposer alors qu'il était au bord de l'évanouissement.

Irritée, elle recommença à arpenter ses appartements une fois qu'il fut parti, réfléchissant à une solution qui pourrait lui éviter un mariage imposé. Malheureusement, tel était le destin d'une princesse : elle naissait, grandissait très entourée et finissait par se marier de convenance avec un prince qui l'honorerait pendant quelques années, le temps de faire un héritier avant de se détourner d'elle et d'aller voir ses maîtresses. Philomène ne voulait pas de ce destin. Fière d'elle-même et de son intelligence, elle refusait d'être traitée comme de la vulgaire marchandise. Son destin était de régner, pas de glousser bêtement au côté d'un époux qui n'aurait que faire d'elle après la naissance de l'héritier tant attendu.

Une princesse pas en détresseWhere stories live. Discover now