Chapitre 4

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Le hangar est un bâtiment en périphérie du quartier. Mac a toujours été très évasif sur la manière dont il l'a connu. En fait, il n'y a rien à voir. Le hangar est vieux, délabré, en train de tomber en ruine. C'est très loin d'être un endroit chaleureux et accueillant : tout au contraire. Mais le fait est qu'on s'y sent vraiment bien.

Depuis que j'y vais, je n'ai jamais eu aussi peur que maintenant d'y aller et d'y voir Mac. Sortir de ma chambre pour traverser les petites rues sombres n'a pas été un problème : ce n'est pas la première fois que je sors en avoir l'autorisation. Je connais parfaitement ces raccourcis à travers le quartier, mais je décide de ne pas les prendre ce soir. Il fait bon dehors, l'air est frais sur ma peau. C'est plutôt agréable en fait. Bizarrement, il ne fait pas encore très froid pour la période alors peut-être que la Course sera plus rapide que d'habitude si les participants peuvent se déplacer la nuit. C'est à ce moment que je me rends compte qu'en réalité ma décision est déjà plus ou moins prise : peu importe ce que me dira Mac au hangar, je n'irais pas faire la Course au petit matin. Je déglutis. A partir de maintenant je suis une hors-la-loi. D'ici quelques heures à peine je serais activement recherchée. Peut-être que je serais morte. Cette idée me donne des frissons. Je resserre les pans de ma veste autour de moi.
Je passe devant la maison où vivent Maria et sa fille Justine. Il n'y a pas de lumière, elles doivent se reposer : une grosse journée les attend demain. Un peu plus loin, je m'arrête quelques secondes pour regarder le quartier que je laisse derrière moi : c'est là où je suis née, où j'ai grandi, où j'ai appris tant de choses. En somme, c'est l'endroit qui m'a forgée, qui m'a fait devenir celle que je suis aujourd'hui. Là-bas, il y a cette rue où se trouve l'école des plus petits. C'est là que j'ai appris à lire et à écrire. De l'autre côté, il y a les jardins communautaires. Plus petite, je passais des heures à prendre l'air. Et puis, il y a les maisons que mon père a aidé à construire, tous les arbres qui ont pu pousser grâce à ma mère, et tout ce à quoi ma famille a participé de près ou de loin. J'espère qu'un jour je pourrais revenir ici avec Austin.

Le hangar ne se trouve qu'à quelques minutes à pieds de chez mes parents, alors je me trouve rapidement dans l'allée qui y mène. C'est illuminé. On peut tout voir d'ici, tout le quartier, toutes les lumières, et tout ce qui se trouve de l'autre côté du Mur. Les quelques maisons encore radieuses voient leur lumière s'éteindre les unes après les autres, et dans la Ville la fête est en train de prendre fin. Bientôt, tout le Système sera plongé dans le noir jusqu'au petit matin. Je me dis alors que je dois voir le matin, non seulement celui qui arrive mais aussi les suivants. Il faut bien que je vive si je veux ramener mon frère auprès des siens.

Je m'approche de l'entrée. Dehors, il n'y a personne. C'est calme. Il n'y a aucun bruit. Je frappe sur l'une des imposante porte. C'est Mac qui vient m'ouvrir. J'entre, hésitante. D'abord, c'est la lumière qui m'éblouit, puis, quand je recouvre l'utilisation de mes yeux, c'est le nombre de personnes dans la pièce qui m'impressionne. Il y a des gens de tous âges et toutes horizons. Mac referme derrière moi. Alors qu'on vient à peine d'entendre le cliquetis des portes qui se touchent, tout à coup la lumière s'éteint. Je sursaute, prise de panique. Je me demande ce que je fais ici, pourquoi j'ai accepté de venir, s'il s'agit uniquement d'un piège. Puis je me dis que j'ai pris une mauvaise décision, encore une fois. Je trouve ça ironique comme situation : ils pourraient me tuer, si c'est ce qu'ils veulent, et moi qui me disais que je voulais vivre il y a quelques minutes ... C'est ridicule. Je me sens ridicule. Alors que je me demande ce qu'ils fabriquent, parce que personne ne bouge ou ne parle, un bruit monstrueux se fait entendre. Puis, quelques secondes plus tard, la lumière revient. Je me rappelle alors que Mac m'avait un jour montré le générateur à l'extérieur du hangar et expliqué qu'il servait à remettre l'électricité en route une fois le couvre-feu dépassé et que l'alimentation électrique était coupée dans toute la Banlieue. Là, je me sens terriblement bête, la peur peut faire voir et penser n'importe quoi. J'ai confiance en Mac, jamais il ne m'aurait demandé de venir ici pour me saigner à blanc.

Le Refuge - SauvetageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant