À moi

Entrée en piste

- Bonjour Maya, en forme ? me demande Lorenzo lorsque je le rejoins dans son bureau.

- Comme toujours. Quel est le nouveau dossier ?

- Tu vas te rendre à la prison de Rikers Island et te faire passer pour une détenue, m'annonce-t-il en me tendant le dossier. Notre cible est Devon, chef d'un des cartels de la Camorra, la mafia napolitaine. Bien sûr, Devon n'est pas son vrai nom mais c'est comme ça que tout le monde l'appelle. Personne ne connait sa réelle identité ni même qui il est vraiment, cela va donc être ta mission numéro un : découvrir sa réelle identité, découvrir qui il est. Ta mission numéro deux sera de nous apporter le maximum d'information à propos de son petit business qu'il arrive encore à faire tourner depuis la prison, va savoir comment.

- Pas de soucis, compte sur moi. Je suppose que tout ce que je dois savoir se trouve dans ce dossier ?

- Tu supposes bien. Tout y est : ta nouvelle identité, ta couverture, ce pourquoi tu es dans la prison, les informations sur Devon, sur sa mafia, mais aussi sur tes compagnes de cellules.

- Tous les gardiens sont au courant que je serais une fausse détenue ?

- Tous, non. Seulement le chef de la prison, le gardien en chef, un autre gardien et la personne qui s'occupera de ton dossier à ton arrivée. Les autres ne savent rien et n'en seront rien. C'est mieux comme ça.

- Je vois.

- Maintenant va examiner le dossier, j'ai de la visite, dit-il en coinçant son arme dans l'arrière de son pantalon avant de se lever.

Je me lève à mon tour puis me rend dans ma chambre afin d'examiner le dossier comme Lorenzo me l'a demandé. Il faut que j'apprenne tout par cœur, que je connaisse le moindre détail de ce dossier parce que, si je faute et que je me fais démasquer, les détenus de Rikers Island ne me le pardonneront pas.

J'ai eu beaucoup de dossier et je n'ai jamais échoué. Ce dossier est l'un des plus compliqués que je n'ai jamais eu mais si Lorenzo me confie cette mission c'est qu'il a confiance en moi et qu'il sait que je réussirais alors je me dois de réussir.

Trois jours. Trois jours que je relis ce dossier en boucle et que je me mets dans la peau de mon personnage. Trois jours que Lorenzo m'appelle Tess, mon nouveau prénom, et me pose des questions que me poseraient les autres détenus. Je m'entraine à être la meilleure infiltrée et, quelques heures avant mon entrée en piste, je me sens prête à mener à bien cette mission.

C'est bientôt l'heure de partir, je me commence donc à me préparer. Je prends une bonne douche chaude que je savoure pleinement car la prochaine douche se fera dans des conditions que personne n'envierait.

Nous y sommes. Nous sommes devant l'immense bâtiment qu'est la prison de Rikers Island. Je suis dans la voiture avec Lorenzo, cela fait deux minutes que nous sommes arrivés mais il ne dit rien, il sait que c'est ce dont j'ai besoin. J'ai besoin d'un peu de temps pour me préparer à cette mission. Je n'ai pas peur, j'appréhende. Je suis loin d'être nul au combat mais qui sait ce qu'il se passe derrière ces murs.

- On y va, annonçais-je.

Dès que Lorenzo et moi sortons de la voiture, un homme en uniforme arrive vers nous. Il doit être le gardien en chef.

- Prête ? me demande-t-il.

- Prête.

- Si tu as besoin de quoi que ce soit, appelle-moi, m'annonce Lorenzo. Tu as le droit à des bons d'appels téléphoniques illimités. Une fois à l'intérieur, n'oublie pas que seuls très peu de personnes sont au courant. Tu sauras à qui t'adresser.

Je le remercie d'un signe de tête puis je suis le gardien jusqu'à l'entrée de l'établissement. Nous passons l'entrée principale puis, après quelques pas, nous arrivons devant une autre porte menant directement à l'intérieur.

Le gardien sonne.

- Lopez, gardien en chef, numéro 3208.

La porte s'ouvre et nous nous retrouvons dans un couloir grisâtre.

- Salut Maria, c'est elle.

- Tess, c'est ça ? me demande-t-elle avec un clin d'œil.

J'en déduis donc qu'elle est courant pour ma mission. Je lui souris puis elle me tend une tenue orange, des chaussures blanches et un seau pour mes effets personnels. Lopez m'accompagne dans une petite salle pour que je me change, ce qui ne se passe pas comme cela pour les vrais détenus, puis je donne mes affaires et le seau à Maria. Je ne garde rien sur moi pour éviter tout risque.

- Si tu as besoin de quoi que ce soit, viens me voir. Je te donnerais autant de bons d'appels qu'il te faudra, il suffit juste que tu demandes au gardien de t'emmener jusqu'à moi. Un seul est au courant de ta mission.

- Comment je sais lequel c'est ?

- Il viendra à toi.

Je hoche la tête en guise de remerciement puis Lopez m'emmène dans ma cellule. Une fois à l'intérieur, je reconnais immédiatement mes deux colocataires. Je sais pratiquement tout sur elles, mieux vaut savoir à qui on a affaire dans une mission pareille. Je m'assois sur le lit indiqué par Lopez et les deux femmes me dévisagent.

- T'es qui toi, me demande la femme métissée sur le lit à côté du mien.

- Tess, répondis-je froidement. Et toi ?

- Vanessa.

- Et toi ?

- Elisabeth, mais appelle-moi Eli, m'annonce la femme asiatique sur le lit au-dessus de celui de Vanessa.

Alors que Vanessa allait me dire quelque chose, j'entends quelqu'un crier mon nom dans le couloir. Nous relevons vivement la tête.

- Déjà, s'étonne Elisabeth.

Je me lève jusqu'aux barreaux puis un homme arrive à notre hauteur. Sans un regard, il ouvre la porte de la cellule, me passe les menottes puis me prend par le bras après avoir refermé. Il me tire à travers les couloirs sans un mot.

- Je peux savoir ce qu'il se passe ?

Il ne me répond pas et continue d'avancer. Plus nous marchons moins il y a de monde. J'attends donc qu'il n'y ait plus personne autour de nous pour reposer la question. Il s'arrête net dans un petit bout de couloir silencieux. S'il pense me casser la gueule dès mon arrivée, il se trompe, il ne sait pas qu'il a devant lui, le pauvre.

- Moi c'est Derek, je serais ton référent pendant ta mission. Je suis de garde de jour, jusqu'à 19h donc si tu as besoin de quelque chose pendant la nuit ou d'un appel téléphonique discret, fais-le-moi savoir pendant la journée et je t'aiderais. Maintenant, je t'emmène voir Devon, j'espère que tu as bien retenu le chemin.

- Toujours, répondis-je en évitant de montrer mon soulagement.

- Alors on y va. Les hommes sont dans la cour à cette heure-là.

Deux minutes plus tard, nous arrivons dans une salle dont la fenêtre donne sur la cour.

- C'est lui, me dit-il me désignant un homme assis sur un banc au milieu de quatre autres détenus.

Grand, brun, musclé, tatoué. Il transpire la confiance en soi et, au vu des autres détenus, il doit être le chef de cette cour.

Plus je l'observe et plus je me dis que ce nouveau dossier est un bel homme. Un très bel homme.

Que me réserves-tu, Devon ?