Ma course effrénée me mena en quelque minutes aux abords de la grande place, où j'entendis des hurlements à glacer le sang. Je me mis une claque mentale. Avec les oreilles que j'avais, j'aurais dû être capable de les entendre agoniser, mais avec tout le raffut que faisaient les autres habitants, je n'avais rien entendu, et ils avaient souffert sans même que je le sache.

     Mes yeux se posèrent alors sur l'imposant bâtiment grisâtre de la guilde, et plus particulièrement sur les flammes caressant les murs solides. Les fenêtres étaient presque toutes brisées, me permettant de voir un feu bleu réduisant en cendre le mobilier, et les corps de mes camarades. Mon cœur voulait les aider, mais mon corps était passé en mode off. Face à ce feu ardent, mes jambes refusèrent de bouger de ne serait-ce que d'un millimètre. Des flashs aussi violents que brefs me revinrent en mémoire : ma chambre cramée, mes parents bloqués par un mur de flamme, la servante à moitié morte m'ayant intimé de vivre, les vestiges du château...


- Gamine!


     Au surnom dont m'avaient affublée les membres de la guilde, je me détournai des flammes pour fixer mon attention sur l'homme marchant en boitant dans ma direction. De la suie s'étaient accrochée à ses vêtements, mais il allait bien. Jetant un coup d'œil dans son dos vers la guilde pour s'assurer que personne ne le suivait, il se mit à courir vers moi, une mine affolée collée au visage. Aussi, quand il parvint à mon niveau, je l'attrapai pour le stabiliser, et je plantai mon regard dans le sien, moi aussi paniquée.


- Que se passe-t-il? Qui a fait ça?

- Des sbires de la couronne, fit-il en toussant. Des chasseurs de dragons.


     Mes questions suivantes restèrent bloquées dans ma gorge. Des soldats. Des mages. Ils ne pouvaient être ici que pour moi. Sinon, pour quelle obscure raison auraient-ils réduit la guilde en cendre? Mon cœur se mit à battre la chamade, et mes membres à trembler comme des feuilles. J'étais faite comme un rat. Si plusieurs chasseurs de dragons avaient été mis sur mes traces, je n'avais que très peu de chances d'en sortir vivante. Voir par de chances du tout. L'homme, qui n'était autre que le second de la guilde, porta son majeur à ses lèvres, avant d'enchainer d'une voix beaucoup trop forte pour être vraiment naturelle :


- Ils cherchent Hori, saurais-tu où elle est?


     Ravalant ma salive à la mention du nom d'emprunt que j'utilisai en ce moment, je me forçai à jouer le jeu, d'une voix tremblante :


- Je crois qu'elle est partie en mission à Cedar.


     L'homme hocha gravement la tête, et m'offrit une petite tape affective sur la joue.


- Les éclairs se sont arrêtés, tu devrais fuir la ville avant qu'elle ne soit détruite.

- Et vous laissez vous battre contre ces chasseurs...?

- Ils ne nous font pas peur. Va-t-en.

- Mais..., protestais-je.

- Fuis!


     C'était la deuxième fois de ma vie qu'on m'ordonnait de déguerpir en vitesse, et la deuxième fois de ma vie que j'obéis. Je me détournai de la guilde en flamme et de mes anciens camarades, et je pris mes jambes à mon cou, des larmes brûlantes de rage dévalant mes joues. Combien de temps encore allais-je devoir fuir? Je m'étais promis qu'à dix-huit ans, je révèlerai mon identité au monde, et je reprendrai le trône, mais en étais-je seulement capable? Riku était en place depuis huit ans, les gens avaient maintenant confiance en lui, pourquoi le trahirait-on pour une jeune fille pouvant tout à fait mentir? Tout à coup, je n'étais plus sûre de moi. Pourquoi accorderait-on sa confiance à une gamine incapable de sauver ses camarades d'une mort certaine? D'une enfant incapable de retenir ses larmes? Passant son temps à fuir?

Mon étoileWhere stories live. Discover now