Fallen Queen

- you will betray everything you once held dear -

e d i t ://moi

VOLANTIS.

Unique bâtiment visible depuis n'importe quelle fenêtre de la ville, le Temple Rouge semblait se moquer d'elle amèrement chaque jour qui passait. Ses briques cramoisies toisaient de haut toutes les maisonnées alignées sagement dans les rues, et la flèche érigée sur le point déjà culminant de la toiture se perdait parmi les nuages. Kinvara y allait souvent, laissant Daenerys errer dans les couloirs de sa demeure, avec pour seule compagnie des livres effrayants aux sujets surnaturels. La lecture étant devenu son unique passe-temps, elle connaissait désormais tout des corneilles à trois yeux, des sorcières d'Asshaï, de l'ancienne Valyria et avait peaufiné son savoir sur les dragons Targaryen.

  Une lune depuis l'annonce de son enfant, et plus il s'épanouissait en elle, plus dévastée elle était. Qu'avait-elle à lui offrir sinon de l'amour ? Pas de Royaume, ni de dragon, et certainement pas un père. Jon non seulement l'avait tuée, mais il avait tuée sa propre progéniture en le faisant. Y repenser lui brisait le cœur. Ce baiser, elle l'avait senti si doux, plein de passion et d'espoir. Quand elle regardât dans ces yeux bruns ce jour, elle ne vit que l'amour qu'il lui portait. Comment avait-il pu faire cela en l'embrassant, en regardant dans son âme, en l'enlaçant ? Il suffisait que ses paupières soient closes, et encore le goût immonde du sang lui revenait dans les joues. Malgré son chagrin, la colère dominait tout sentiment. Jon était un traître. Rien d'autre qu'un traître.
Elle dégagea ses coudes du rebord de la fenêtre et tira du bout des doigts un volet vers elle. Le bois miteux grinça étrangement en se pliant et un frisson parcouru l'échine de la jeune femme. Pour la énième fois, elle scruta la pièce de long en large, et n'y découvrit rien de nouveau que les murs taciturnes et les quelques fissures qui le parsemait.
  Quittant la chambre, elle entendit la prêtresse rouge réciter ses prières en Valyrien, dissimulée derrière la grosse porte de chêne qui faisait l'entrée de la salle où Daenerys avait été ressuscitée. Elle soupira en y songeant, et avança silencieusement dans le couloir pour ne pas troubler les récitations de son hôtesse.
L'ennui la guettait toujours, car elle lui refusait la sortie, que ce soit dans le jardin ou parmi les gens du peuple. La faute soit disant à ses cheveux si difficilement discrets, mais elle ne savait que trop bien que ce n'était pas la véritable raison. Un linge suffirait à les camoufler, et quand bien même ils ne le seraient pas, elle pouvait toujours les teindre.

  Kostilus, ñuha āeksio, tepagon sakutē naejot se Dāria Daenerys Targārien.  Mazverdagon zirȳla sagon ȳgha isse se vys.  Mazverdagon zirȳlar resurectī jemagon zirȳla naejot se dīnagon ziry jorrāelagon naejot sagon.

  Le Valyrien, elle le parlait correctement, et ainsi elle entendait la sorcière adjurer à son Dieu de lui envoyer un signe qui témoignerait de sa sécurité à l'extérieur. Peu souciante de le montrer, Kinvara tenait à Daenerys comme à la prunelle de ses yeux. Par attachement peut-être de sa personne, mais également car, comme elle le lui avait confié, elle était la toute première personne qu'elle eut jamais ramené à la vie. Ainsi elle se sentait de son devoir de la guider jusqu'à son but ultime, un but que la Reine elle même ignorait. Mais les journées devenaient longues, et tout les bouquins du monde n'auraient suffit à la distraire.
  En quête de nouvelles découvertes, elle s'aventura vers la cuisine, seul lieu qu'elle n'avait encore exploré. Faisant office de décoration, un vase débordant de fleurs était posé en travers de la table de bois poli. Vétuste, le plan de travail que soutenait des dizaines de tiroirs et placards paraissait pourtant plus propre que la chambre dans laquelle elle dormait. Une cuisine d'une banalité déconcertante.
Rangées en désordre sur une étagère, des huiles et herbes qui étaient inconnues à Daenerys dégageaient une senteur exquise qui lui rappela Vaes Dothrak. À l'instant où elle entreprit d'ouvrir un des compartiments des meubles, la silhouette entourée d'étoffes de Kinvara apparu dans l'embrasure de la porte. N'y prêtant attention, elle tira la case tout de même. Et là, caché derrière quelques cuillères et fourchettes en acier, elle la vit.
  Son manche était entouré de cuir noir, sa garde recourbée brillait parmi les ustensiles usés et le visage de Jon lui sembla même apparaître dans le pommeau argenté. La dague n'avait pas été nettoyée correctement, aussi persistait en certains endroits du sang séché à la couleur écarlate et brunâtre. Saisissant l'arme, elle se retourna vers son hôtesse, le regard fou.
  « - Je me suis dit qu'il vous semblerait peut-être nécessaire de la conserver... »
Elle frappa impétueusement la table du plat de la main. Les membres tétanisés, Daenerys observa la lame tachetée de rouge et le feu se mit à brûler derrière ses yeux. La contemplation de cet objet qu'elle abhorrait réveillait l'élancement déchirant de la blessure, et la douleur lui paraissait aussi vive que la première fois. Alors que la chaleur irradiait son être, elle cru sentir l'enfant gronder et cogner, et portant une main tremblante à son ventre légèrement arrondie, elle resserra sa prise sur le poignard. Son cœur en émoi la faisait presque suffoquer de colère.
   « - Oui, répondit-elle enfin à son interlocutrice. Il me faut la conserver. »
Daenerys se tourna vers la fenêtre et contempla le ciel dénué de nuages et de dragons un instant. Le souffle douceâtre souleva son épaisse chevelure et dans sa paume, le manche du couteau était devenu moite. La Reine se retourna alors vers Kinvara, et d'un œil soudain glacial ajouta :
  « - C'est avec celle là que je tuerais Jon
Snow. »