Pour mon père

Prologue

- Encore une fois, je suis désolée de vous demander une telle...

- Oh, mon Dieu, arrête de t'excuser, je t'en supplie!

     Outrée qu'on ait ainsi osé me couper la parole au beau milieu de mes plus plates excuses, je lançai un regard affecté à mon interlocuteur, de par l'écran sphérique de la lacrima de communication. Nonchalamment affalé sur le comptoir de sa guilde, sirotant une boisson ambrée, Sting ne m'avait pourtant pas accordé le moindre crédit depuis que j'avais commencé à exposer ma proposition : alors que mes paroles s'adressaient à eux deux, Rogue avait été le seul à poser des questions pour que j'approfondisse mes propos; Sting, de son côté, s'était contenté de boire en poussant de profonds soupires que je m'étais efforcée d'ignorer. Mais si je n'avais pas été une personne aussi polie, je lui aurais certainement envoyé un nom d'oiseau bien senti.     Au premier plan, le dragon de l'ombre arbora une grimace discrète, gênée.

- Ce que Sting essaye de dire, c'est que nous...

- Sting n'essaye pas de dire quoi que se soit, l'interrompit le blond. Il n'y a rien a dire.

     Coupant court à son argumentaire, le jeune homme se leva promptement de son tabouret pour s'approcher d'un pas trainant, comme à son habitude : les mains dans les poches, lentement, histoire de laisser le suspens grimper. Je croisai les bras sur ma poitrine, agacée. Mais, avant que je n'ai eu le temps de lui dire ses quatre vérités - à savoir qu'il était d'une impolitesse rare - il se posta près de son ami et prit la parole :

- Nous sommes amis, tu n'as pas à t'étendre en politesses plus inutiles les unes que les autres. Si tu as besoin de nous pour une mission, on rapplique, c'est aussi simple que ça.

     Je ravalai immédiatement mes provocations, coite.

     Rogue adressa un large sourire - une rareté - à son ami, avant de se tourner vers moi :

- Alors, on se retrouve où et quand?

- Retrouvons-nous dans deux jours, à midi, à la gare de Fansia, intervint Reby.

- On sera là.

     Puis, sans grande cérémonie, ils coupèrent la communication.

     Mon amie aux cheveux bleus se tourna dans ma direction, souriante.

- Sting a bien changé, constata-t-elle.

     Mais je ne savais pas encore, à ce moment-là, à quel point c'était vrai.