12.

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Lorsque Damien frappe à ma porte, j'ai du mal à me déplacer pour aller lui ouvrir. Les douleurs que je ressens dans l'ensemble de mon corps sont absolument insupportables.

– Raconte-moi ce qu'ils t'ont fait.

– On m'a attaché au lit et trois mecs m'ont violé.

Ce n'est qu'en prononçant cette phrase que je prends réellement conscience de ce qu'il vient de m'arriver ! Oui, c'était un viol en réunion et j'en ai été la victime. J'ai du mal à le croire moi-même.

– Laisse-moi voir.

Il baisse mon pantalon et inspecte mes fesses.

– Bon, il faut que nous allions aux urgences.

– Hors de question, c'est trop la honte.

– Je ne veux pas te paniquer, Hugo, mais ce n'est pas joli à voir. Un médecin doit y jeter un œil.

– Et qu'est-ce que je vais inventer comme excuse ?

– Rien du tout, tu vas dire la vérité. Ils feront les examens nécessaires pour établir un rapport et ensuite nous irons au commissariat pour porter plainte.

– Je ne veux pas étaler ma vie en public, en plus je risque gros, c'est quand même de ma faute.

Je n'aime pas quand Damien me regarde comme ça, d'un air aussi sévère.

– C'est justement le problème, Hugo. La plupart des victimes de viol refusent de porter plainte parce qu'elles ont honte et croient que tout est leur faute. Mais tu es la victime, il faut que tu te défendes.

– Facile à dire pour toi, tu ne vas pas avoir à tout raconter devant un médecin puis un policier.

– Facile pour moi ? Tu m'as appelé à l'aide, maintenant tu es de ma responsabilité. Il faut que tu suives mes conseils.

C'est comme si je n'avais pas le choix. Effectivement je lui ai demandé de venir parce que lui a une vision claire de la situation. Je ramasse quelques affaires et j'accepte, au moins, d'aller voir un médecin.


Lorsque nous arrivons aux urgences il faut d'abord que j'explique la situation à l'infirmière qui est à l'accueil. Ce que j'appréhendais se réalise : dans son regard je vois bien qu'elle me juge. Elle devrait être impartiale, en réalité personne ne l'est. Et je ne sais pas si c'est parce qu'elle trouve ça dégoûtant ou quoi mais nous devons attendre quatre heures, au milieu d'une foule assez pathétique, pour qu'enfin un médecin me prenne en charge. Il me fait entrer dans une salle d'examen. Je suis seul avec lui, Damien n'a pas le droit de me suivre. On ne peut rien faire contre le règlement, nous n'avons aucun lien de parenté, il ne peut pas assister à la consultation.

– Enlevez vos vêtements et allongez-vous.

Qu'est-ce que j'ai honte de me laisser examiner les fesses par un étranger. Enfin non, j'ai surtout honte d'être là parce que je suis complètement con et que j'ai fait n'importe quoi.

– Bien, je ne vous cache pas que vous allez avoir mal pendant plusieurs jours. Je vais vous prescrire de quoi soigner les blessures, mais avant ça je veux savoir si vous êtes à jour de vos vaccins.

– Je n'en sais rien du tout.

Il prépare déjà une piqûre, je ne sais pas ce qu'elle contient.

– Il va falloir surveiller votre état. Vous devrez faire le test pour éliminer la possibilité qu'on vous ait transmis le VIH.

Une seule nuit et ma vie est peut-être totalement ruinée.

– Je vais vous donner une copie du rapport. Si vous maintenez votre version du viol, vous devez aller voir la police.

– Comment ça « si » je maintiens ma version ?

– Vous n'êtes pas le premier patient à venir pour ce genre de lésions. Il est impossible de déterminer s'il s'agit d'un viol ou d'un délire sexuel consenti. Se faire attacher et pénétrer par plusieurs hommes, vous aimez ça vous les gays.

J'encaisse la violence des propos.

– Vous êtes en train de me dire que la police ne me croira pas ?

– Vous avez le nom des personnes qui ont fait ça ?

J'ai un nom, mais qui dit que ce n'est pas juste un pseudonyme utilisé sur Internet ?

– Vous êtes entré dans cet appartement de votre plein gré ?

J'ai l'impression d'être déjà entendu par la police.

– Vous êtes en train de me dissuader d'aller au commissariat.

– Pas du tout, je suis simplement médecin.

Une infirmière revient quelques minutes plus tard avec une copie du rapport. Je m'empresse de le lire. Je ne comprends pas tous les termes médicaux, je vois juste que la situation semble assez grave. Les mots de la science font toujours peur. C'est surtout la conclusion qui me choque : « La probabilité de lésions conséquentes à un viol ne peut pas être établie avec certitude ». Je ne peux pas me présenter au commissariat avec un tel dossier, je vais juste me ridiculiser...

Vendre mon corpsWhere stories live. Discover now