Requête à M. le Maire

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Mail relayé par Jacques Dutris, Mélanie Artaud et Michel Gousset.

Expéditeur : Francine Migot <francine.migot11@bbox.fr>

Date : 22/02/2016

Objet : Maison abandonnée



Monsieur le Maire,

Pardonnez-moi de vous déranger encore. Je vous avais déjà demandé par mail de fouiller voire de détruire la vieille maison qui se trouve au fond de la forêt, sous les prés de M. Jacques (si ma mémoire est bonne). Je réponds maintenant à vos interrogations sur cette requête.

Il y a quelques jours, je suis partie en randonnée dans la vallée. Bonne marcheuse, j'avais pris mon paquetage et ma tente avec moi dans l'idée de camper quelque part pour la nuit. C'est ainsi que j'ai retrouvé, perdue au milieu de la nuit noire et froide, cette vieille maison à moitié en ruines. Cela faisait des décennies qu'elle avait été laissée à l'abandon ; le monde l'avait oubliée et moi avec. J'y suis entrée et j'ai arpenté les vieilles pièces poussiéreuses. Certains murs, couverts de lierre, tombaient en ruine et les tuiles du toit commençaient à se clairsemer, laissant entrer les moustiques et la lueur de la lune.

Néanmoins, la baraque restait en bon état relatif. Épuisée par ma longue marche, je décidai d'y passer la nuit. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque, entrant dans une chambre, je vis que le lit était fait ! Les draps étaient bien blancs, propres et repassés, l'oreiller impeccable. Quelqu'un avait élu domicile dans la vieille maison... Surprise par cette idée, je hélai quelqu'un, à l'aveuglette. Personne ne répondit, bien sûr. Je n'avais par ailleurs remarqué nulle trace d'habitation, de présence ni même de passage. Épuisée, je finis par envoyer tout cela au diable et par me glisser entre les draps. Si quelqu'un vivait ici, il pardonnerait bien l'intrusion d'une randonneuse fatiguée...

Au cours de la nuit dans ce lit maudit, avant que je m'endorme, je reçus la surprenante visite de plusieurs animaux. À moitié ensommeillée, je pensai qu'ils avaient élu domicile dans cette maison, ou bien qu'ils appartenaient à la personne qui vivait là. Logique, n'est-ce pas ?

La gentille truffe d'un chien renifla mon visage. Un autre petit chien grimpa sur les couvertures. Deux ou trois chats - il faisait si sombre que je n'en étais pas certaine - vinrent miauler près du lit et finirent par se blottir doucement contre moi, par se frotter dans mon cou et se glisser sous mes draps. Vous savez, j'adore les animaux, Monsieur le Maire. Alors, enchantée d'un accueil aussi sympathique, je m'endormis le sourire aux lèvres.



Je vous demanderai de garder la suite pour vous. Vous pouvez rire devant l'absurdité de ce qui va suivre, Monsieur le Maire, mais je vous prie de croire qu'une chose pareille peut aisément rendre une personne folle à lier.

Le lendemain, à la lumière crue du soleil, je découvris que ce qui s'était blotti contre moi la nuit durant n'était pas un chat.
C'était une marionnette. Elle était cousue dans la peau d'un chat mort. Je me redressai : d'autres marionnettes aux yeux vides jonchaient le lit. Deux chats et deux chiens, Monsieur le Maire. Et pas un de vivant.



Espérant vous avoir convaincu, vous suppliant d'engager les démarches aboutissant à la fouille et à la démolition de la maison, et vous priant d'agréer mes sincères salutations.


Francine Migot

Histoires FlippantesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant