Chapitre 4

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Lumière. Mes doigts se crispent. Le bruit !

Roulade, je me redresse, dague à la main. Qu'est-ce...

L'éclat de l'aube m'aveugle. Avec un grognement, je porte une main à mon visage pour protéger mes yeux.

Quelle heure est-il ? Près de cinq heures, sans doute. Au-dessus de moi, le ciel garde des traces de nuit, les dernières étoiles luisent encore à l'Ouest. Une brume terne baigne la ville. Les bâtiments ressemblent à d'étranges arbres jaillis du sol fumeux.

Une série d'étirements détend mes muscles ankylosés. Le cuir de mes bottes glisse sur les tuiles, que le brouillard a couvertes d'un manteau de gouttelettes. Je regagne la fenêtre de ma chambre avec des gestes prudents.

J'abandonne mes vêtements sur le dallage de la salle d'eau et tourne le robinet, qui crachote un instant avant de déverser une eau trouble dans un grand bac. Mes muscles se raidissent. Je fixe mon jyrkhem pour ne pas voir mes avant-bras. Et je plonge ma main dans l'eau. Une vapeur chuintante se répand dans la pièce, ma respiration s'emballe, mes dents grincent.

Inspiration. Je retire ma main. Expiration. Et m'immerge dans le bac.

Mon coeur tambourine contre ma cage thoracique, la brûlure enveloppe mes avant-bras. Je tente de compter, mais les secondes se heurtent, se mêlent à la douleur, au sang qui bat à mes tempes.

Une question de volonté ! Une question de volonté ! Une question de...

Je ne peux pas !

Ma tête crève la surface de l'eau, je m'extirpe du bac, glisse, m'écroule sur le dallage. Le feu gronde sous ma peau. Le feu qui chasse le liquide dégoulinant, les frissons. Étendue sur le sol, j'inspire par saccades, les muscles parcourus de tremblements. Un goût de bile dans la bouche.

Vaincue par un peu d'eau...

Pathétique.

***

Lorsque la grande place de Cytari dessine devant moi ses bâtiments ornés et la hauteur rougeoyante de la Tour aux Effluves, le brouillard a commencé à se dissiper. Désormais, un ciel qui hésite entre la pâleur du bleu et celle du gris domine les pavés.

Large construction aux fenêtres en hauteur, les écuries neighianes, malgré leur taille et leur architecture détonnante, passent presque inaperçues, dissimulées qu'elles sont par le quartier général. Sur la porte à double battant, un jyrkhem montre les crocs. Mes doigts glissent sur le bois. Sur la fine membrane des ailes, sur les écailles souples du corps, sur la tête aux babines retroussées. J'attrape la poignée et pousse la porte. Une odeur de cuir, de crottin et de sueur animale me prend aussitôt à la gorge. Les torches fixées aux murs saluent mon arrivée d'une flambée plus vive, étouffée par la lueur du jour qui se déverse à l'intérieur et éclaire le sol de terre. Une bonne centaine de chevaux se regroupe autour des abreuvoirs ou des bottes de foin, leurs robes se coudoyant en un camaïeu de brun. Des yeux méfiants suivent mes mouvements tandis que je m'avance dans les écuries. Enfin, "écuries"... Mais les garnums sont nombreux dans les rangs neighians, il serait malvenu de les contrarier en osant parquer un animal dans une stalle.

« J'ai appris que le cheval qui te portait n'a pas survécu à ta dernière mission.

Je sursaute et fais volte-face, dague en main. Les chevaux les plus proches relèvent la tête en renâclant.

— Il a dû s'approcher de toi quand tu regardais ailleurs, poursuit Socrei en s'avançant entre les bottes de foin, une main sur la tempe, l'autre sur la poitrine.

Envolé, l'amusement qui le caractérise d'ordinaire. Le reproche suinte de ses mots. Sur son passage, les montures tendent la tête pour effleurer sa main de leurs naseaux.

Neighian, tome 1 [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant