Chapitre 18 : Lune blanche

1.1K 63 7
                                    

Le noir, c'est tout ce qu'il y a autour de moi. Les clapotis de l'eau contre la coque et les cris incessants de Karenn sont les deux seules choses qui me raccroche à la réalité.

L'adrénaline a pris place et mon sang pulse dans mes tempes. Je ne peux pas rester là, tétanisée par la peur alors que Karenn agonise. Bouge toi non d'un chien !

Dans un élan d'héroïsme ou d'envie suicidaire, je plonge tête la première dans cette eau aussi noir que mon sang. L'air s'échappe de ma bouche sans que je puisse le contrôler, un étau se resserre autour de ma gorge. J'étouffe, je me débat parce qu'il n'est pas question que j'abandonne Karenn, mais la force n'y est plus. Mon corps sombre malgré mes efforts, et la surface de l'eau n'est plus qu'un souvenir lointain.

Là, au fond des ténèbres. Je me laisse encore une fois sombrer. Je me comporte encore une fois comme une lâche, choisissant la facilité et n'ayant aucune notion du mal que je fais autour. Je ne suis que destruction en fin de compte : je vis et fais du mal, je me laisse partir mais je fais du mal.

Ça y est, j'ai touché le fond. Au sens propre comme au sens littéral d'ailleurs. Les cris de Karenn parviennent encore à mes oreilles qui commencent à siffler lentement.

Une douce chaleur m'enveloppe alors, me réchauffant. Elle me supporte comme le ferais une mère lorsque sa fille est triste et fatiguée. Elle me remonte peut à peut à la surface, les ténèbres s'éloignant de moi. Elles hurlent, voulant me récupérer et me torturer.

Lorsque je sors enfin de cette eau, elle est devant moi, aussi belle et aussi grande que dans mes rêves. Celle que je fuyais étant enfant, celle que je continuais à fuir, celle qui connaît tous les états d'âme. La lune.

Aussi blanche que dans mes rêves et cauchemars. Elle scintille donnant à cette eau une infime pointe de lumière. Une force surnaturelle me traverse, des flammèche noires et blanches dansent dans mes mains.

Comme une bouffée d'air frais, je déploie mes ailes m'envolant vers les cieux. Ma silhouette se dessine devant la lune, ma laissant profiter de sa lumière pour éclairer la scène.

Karenn agitée comme on le ferais avec un drapeau, elle se débat autant qu'elle peut assénant des coups au monstre de ces lieux. Un léviathan ? Je n'en sais rien.

Poignard en main, je fonce vers mon objectif plus déterminée que jamais. Je fends l'air, laissant des traînées blanches et noires derrière moi.

KARENN ! BAISSES-TOI !

A l'entente de ma voix, la vampire laisse son dos reposer sur la surface de l'eau. J'atterris sans ménagement sur le crâne de ce serpent gluant et lui plante mon poignard entre les deux avec une force que je ne me connaissais pas.

Sa mâchoire se relâche et libère une marrée de sang, tachant l'eau de rouge. Ma gorge me pique tout à coup, je m'efforce de me contrôler face à ce nectar... doux, chaud et délicieux.

RHHAAAAA ! Angel stop ! Ressaisis-toi bon sang !

Je fond sur Karenn, l'attrapant sous les bras pour la ramener sur le bateau. Laissant le cadavre du monstre encore chaud couler. Mais un infime détail m'interpelle : il n'y pas de sang ? Ou, on ne le voit pas ?

Je laisse mes interrogations de côté et repose mon regard sur la vampire agonisante. Une plaie béante traverse son abdomen. J'arrache un bout de la voile du bateau, étant le tissu le plus proche de moi, et compresse la plaie de Karenn.

Karenn, j'aurais besoin que tu appuies sur ça le plus fort que tu puisse. Le temps que je remette je bateau en marche. Tu peux le faire ?

Pour toute réponse la vampire hoche la tête et pose sa main sur son ventre. Elle laisse échapper un gémissement de douleur lorsque je retire ma main.

Je me dirige vers l'ancre du bateau et commence à la remonter. Entendant Karenn gémir, j'abandonne cette idée et saute par dessus bord pour briser la chaîne à coup de point. Foutue pour foutue ! Ils en rachèteront une !

( du moins, si on retrouve ce bateau...)

Une fois que la chaîne cède sous les assauts incessants, en un éclair je suis à la barre et vire de bord violemment. Le bateau tangue dangereusement, je suis projeté contre un des murs de la cabine. Avec une seule idée en tête, je me redresse vivement et rejoins Karenn ayant fait les frais de ma navigation plus que douteuse.

Le temps de faire ces manœuvres, le sang avait taché le misérable bout de tissu que Karenn peinait à maintenir en place. Je bouillonne de l'intérieur, enlevant avec rage mon haut et mon bas. Je déchire une jambe de mon pantalon, pose mon haut sur la plaie et le maintient en faisant un noeud avec le lambeau de pantalon pour compresser au maximum la plaie.

A vol d'oiseau, on pourrait mettre trois heures pour arriver au QG, mais en bateau le trajet est beaucoup plus long. Je ne sais pas si Karenn tiendra jusque là.

La question ne se pose pas, je préfère souffrir que de la laisser agoniser pendant autant de temps. Je passe un bras sous ses genoux et l'autre dans son dos, sa tête repose contre ma poitrine. Elle arrive à peine à articuler deux mots :

Qu'est-ce... que tu... fais...

Je te laisserais pas crever.

Je déploie mes ailes, une lumière s'en dégage mais je n'y fais pas attention. Je m'élance dans les airs et suis les étoiles pour nous ramener au QG le plus rapidement possible.

Reste avec moi Karenn. T'as pas le droit d'être aussi lâche que moi.

Le Noir Absolu - Eldarya Nevra x OC Où les histoires vivent. Découvrez maintenant