C H A P I T R E 1

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J'ouvre brusquement les paupières en sursautant après avoir entendu l'accès de l'appartement claquer. Je me redresse du canapé. Par la même occasion, la couverture roule le long de mon corps. Les yeux encore rétrécis par la fatigue, la carrure d'un homme apparaît dans l'encadrement de la porte du salon. Je me lève et me dirige à pas feutrés vers l'interrupteur que j'actionne d'un coup sec après avoir plusieurs fois cligné des paupières pour me préparer au choc. La lumière jaunâtre au-dessus de ma tête illumine le visage de mon frère. Je croise les bras par-dessus mon débardeur, à moitié endormie. Ce dernier retire sa capuche en dévoilant sa figure salement amochée.

— Tu étais là-bas, sifflé-je entre mes dents.

Des coupures encore fraîches entaillent sa joue qu'il tente de cacher en vain. Aucun son ne sort de sa bouche, laissant uniquement résonner dans la pièce mes plaintes débordantes d'une grande déception. Le rêve optimiste à travers lequel je vivais vient instantanément de disparaître, rongé par les flammes de l'enfer dans lequel je survis quotidiennement. Cette brusque claque du retour à la réalité engloutit toute forme d'espoir.

— Je n'ai pas de compte à te rendre.

Il s'apprête à entrer dans la salle de bain, mais je lui bloque aussitôt le passage. Il exprime un soupir, mais sans grande surprise, son regard demeure fuyant. Il sait que je ne le considère pas comme un gamin pris sur le fait qui va se faire taper sur les doigts. J'ai aussi du mal à jouer à la grande sœur protectrice pour la simple et bonne raison que je ne pense pas qu'on commette des actions bonnes ou mauvaises. Comment juger alors que la pire des idées peut être appliquée pour une cause juste ?

— Enzo ? l'interpellé-je.

Il me contourne et tire la trousse de soins vers lui en prenant la bouteille de désinfectant de l'autre main. Sans répondre, il enlève sa veste qui dévoile des bleus sur ses bras tatoués. Je l'observe se prodiguer quelques soins rudimentaires, l'attention rivée sur son reflet dans la glace. Ma question reste en suspens. Sans doute pour préparer encore une fois une réponse parfaite pour apaiser mon inquiétude.

— Tu m'as promis que tu ne les approcherais plus, insisté-je à voix basse.

— Je leur dois encore de l'argent.

— Combien exactement ? lui demandé-je.

Il applique le produit contre sa peau en retenant un grognement de douleur. Je lorgne le sang se mêler au liquide transparent qui coule le long de son bras encré jusqu'à disparaître. Voilà ce que j'appelle faire une action considérée comme mauvaise alors que derrière ça, la volonté de mon frère est louable. Faire le sale boulot d'autrui simplement parce qu'on cherche un moyen d'échapper à une réalité décevante pour s'en sortir. Certains appellent ça avoir un rêve, mais de notre côté, c'est plus une notion de survie.

— Beaucoup.

— Est-ce que tu as conscience de ce que tu risques si les flics te trouvent dans ce club ?

— Ça ne peut pas être pire qu'avoir un cartel sur le dos, me coupe-t-il d'un ton sec.

Je pince nerveusement mes lèvres. Il pose sa main sur mon épaule qu'il presse doucement dans un but réconfortant. Cependant, comme à chaque fois, l'angoisse ne disparaît pas pour autant. Elle ne fait que se tasser dans un coin de mon esprit prête à ressurgir à tout moment. Je les traîne avec moi tel une ombre et lorsque je pense qu'elles disparaissent, je finis par les sentir encore contre ma peau quand la lumière revient.

𝐃𝐄𝐂𝐀𝐃𝐄𝐍𝐂𝐄 (ÉDITÉ CHEZ AMAZON)Where stories live. Discover now