ma basse.

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6. ma basse.

Assis, dos contre le mur en pierre, je tiens fermement ma basse blanche entre mes doigts. Quand je l'ai prise en main, j'ai été étonnée de la voir intacte comme si quelqu'un s'était occupée d'elle depuis mon départ. Sûrement George. Lui et les instruments, c'est une grande histoire d'amour. Ce n'est pas pour rien qu'il a ouvert son école de musique - Big Apple Company - dans le village. C'est lui aussi qui m'a donné envie de jouer quand j'ai eu dix ou onze ans. J'ai longtemps hésité entre basse et batterie et finalement quand j'ai vu cette petite merveille, j'ai su.

Cependant, cela fait presque deux ans que je n'ai pas joué et je crois que je n'en serai plus jamais capable. Elle me fait presque peur, là dans mes mains. Cela fait une heure que nous avons fini de dîner et autant que je suis enfermé dans ma chambre avec mon instrument mais je n'ai toujours pas joué la moindre note. Je la caresse un peu comme si c'était le corps d'une personne vivante. Avec délicatesse, tendresse, même amour mais j'ai toujours le cœur pris dans un étau incompréhensible.

Ma main gauche se fige sur le manche quand des coups sont donnés à la porte cette fois. Instinctivement, je jette quand même un regard vers ma fenêtre qui ne me montre que le ciel d'encre de la nuit.

— Ouais, dis-je en ne lâchant pas des yeux les quelques étoiles que je peux apercevoir.

La porte s'ouvre et la tête de mon père passe dans la petite ouverture qu'il a faite.

— Je peux entrer ?

Je ne réponds pas tout de suite. Je ne veux pas avoir une discussion avec lui. Pas plus qu'il entre dans mon petit univers. Mais je crois qu'au fond de moi, j'ai envie de savoir ce qu'il veut me dire... J'ai besoin de mon père et même si ça m'exaspère, je hoche la tête pour lui signifier qu'il peut. Il ne prend pas le risque que je puisse changer d'avis et pénètre dans ma chambre.

Je m'attends à ce qu'il fasse une remarque sur toutes les affaires qui trainent partout parce qu'en vidant ma valise, je n'ai pas su où ranger pas mal de trucs. Mais il ne dit rien à ce propos et vient s'asseoir par terre en face de moi, adossé au lit. Il replie un peu les jambes et pose ses coudes sur ses genoux. Il bascule la tête en arrière, reposant ainsi sur le matelas.

— La journée s'est plutôt bien passée, non ?

Il a raison, je dois bien l'admettre. C'est peut-être dû au fait que j'ai passé tout mon temps libre à m'amuser avec Ali pendant que Noah nous observait de loin, comme si elle attendait que je fasse une erreur pour venir m'en coller une. Avec Noah, je pense qu'elle serait capable de faire ça. Elle a toujours été très protectrice envers Ali et ce n'est pas moi qui vais le lui reprocher.

— Ça a été...

Je ne vais pas mentir, ça me fait bizarre de voir mon père installé comme ça. Je n'avais plus le souvenir que mon père était ainsi. J'ai passé tellement de temps ces derniers mois à ne voir que ses défauts que j'en ai oublié ses qualités et cette proximité que je peux avoir avec lui. Il y a tellement d'adolescents qui ne peuvent pas vivre ce genre de scène avec leurs parents. Elliott est d'ailleurs l'un d'eux.

— J'aimerais qu'on parle un peu tous les deux, commence-t-il, en remettant sa tête correctement pour pouvoir me regarder.

Je déglutis. Je n'aime pas les conversations qui commencent comme ça. Personne ne les aime. Soit on va se faire larguer. Soit on va avoir le droit à un sermon. Dans mon cas, je vais finalement avoir le droit à la morale en bonne et due forme...

— D'abord... Sache qu'on est tous contents de te revoir ici mais tu n'as pas oublié que même si on vous laisse pas mal de libertés, il y a quelques règles à la maison. George et moi, on veut que tu les suives comme le font tes sœurs.

problem child. - idy 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant