Quinoa mortel.

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De la fumée grise s'échappait d'entre mes lèvres. Mes muscles se détendirent progressivement, effet surement dû à l'intensive dose de nicotine véhiculée par mon sang à cet instant. Affalé sur le fauteuil du salon, j'attendais patiemment que les chiffres défilent sur l'horloge analogique posée à côté du meuble de télé. Après une journée exécrable pendant laquelle tout le lycée avait cru pouvoir déroger aux règles habituelles pour m'interroger sur l'identité du nouveau prince ainsi que pour me féliciter, j'avais bien besoin de ça. Selon mes estimations, Dean ne tarderait pas à débarquer, tout sourire, pour me tirer avec tyrannie hors de chez moi. Parce que j'étais le plus grand fainéant que la Terre ait jamais connu, mais également parce qu'il était le plus grand fêtard que la Terre ait jamais connu. Plutôt du genre à préférer cumuler le before, la fête et l'after et à finir ivre mort sur le capot d'une voiture qui n'était pas la sienne en y prenant un plaisir incommensurable plutôt qu'à se morfondre sur sa situation amoureuse ruinée par son meilleur ami, moi, en l'occurrence. Quant à moi, en y réfléchissant bien, les adulations de la journée n'étaient pas la seule raison de mon royal emmerdement mais je me refusais néanmoins à l'avouer dans l'un de mes monologues intérieurs à la con... Jenny, Jenny, encore Jenny. Un peu plus et je portais plainte pour harcèlement moral. Son image sans défaut restait imprimée dans les méandres de mon esprit, son parfum flottait de façon permanente dans mes narines, -si bien que j'avais dû changer de tee-shirt à cause d'une simple crise de psychose nasale- et ses mots de la veille demeuraient dans mes oreilles. Ce matin, je m'étais même surpris à vouloir me camoufler avec mon cahier quand elle était sortie des cabinets pour filles... Sans succès, bien évidemment, puisqu'elle m'avait jeté ce regard désabusé avant de filer. Et puis, ce n'était pas le bon jour pour une opération transparence. Non. Pas quand un tas de crétins vous collaient au train comme des toutous ayant repérés un nonos à mâchouiller. Et encore moins quand vous faisiez la une d'un stupide journal de lycée qui zappait l'ensemble de vos frasques et votre comportement scabreux au profit de quelques amourettes. (« Jenan », -c'était ainsi que nous avait surnommé les fétichistes les plus obsédés- était décrit sous toutes les coutures. Un peu comme on aurait expliqué la vie d'un déchet sur un dépliant prônant le tri sélectif). Résultat, je passais pour mère Theresa. Ou pire, Casanova pris à son propre piège. Cette journaliste des bacs à sable, Lauren McAffly, avait d'ailleurs employé le terme de « Roméo sans Juliet », ce qui n'avait pas pu m'échapper vu le nombre de filles qui avaient prétendu s'appeler du même nom aujourd'hui. OUI, cette journée avait de loin été la pire de ma scolarité. Heureusement, j'avais trouvé la paix et ma maison complètement vide en rentrant, ainsi qu'un mot qui attestait formellement que « Tania me traîne de force dans un baby shop. Pas là avant ce soir. On va finir dans le rouge ! HELP. Papa ». A cette heure-ci, le pauvre homme devait sûrement pousser un chariot rempli d'objets autant futiles que ridicules, tels que les head-bands spécial bébé que l'Avaleuse de Monde avait précédemment repéré sur internet, ou bien encore une poussette-carrosse de luxe qui, sans nul doute, ferait la honte de notre famille lors des promenades « bien-être » imposées. Quant à Bérénice, elle devait surement être occupée à fourrer sa langue dans le gosier de son petit copain, comme tous les vendredis soir à un horaire régulier. Eurk. Il valait mieux ne pas trop y penser si je voulais garder le contenu de mon estomac... Du moins, jusqu'à l'inévitable régurgitation après-cuite de ce soir. Dans les basses de mon ordinateur, Electrik People entamait son dernier refrain quand la sonnerie, sûrement actionnée par Dean, retentit dans la maison. Débraillé, peu soucieux de mon accoutrement -car de toute façon, je suis toujours mignon- et de l'affreuse senteur de tabac que je dégageais, j'avais réussi à me traîner jusqu'à la porte d'entrée. Mais à partir de là, ce fût le drame.

-Salut Nathan, commença Jenny en me détaillant de la tête aux pieds.

Moi, mes cheveux, mes chaussettes et mon caleçon. Ma tartine de pain recouverte de pâte à tartiner s'écrasa au le sol. Tout comme mon statut dans son estime et mon sex-appeal, à mon avis... La honte de ma vie.

Love comes from HateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant